Je suis vivante, et dix fois plus que les autres.
Alors que Cléo, une jeune et jolie chanteuse parisienne à la chevelure et au teint rayonnants, vient de sortir de chez la voyante qui lui annonce un potentiel cancer, elle prononce cette phrase, après s'être brièvement regardée dans le miroir.
Pendant l'heure et demie que dure le film, c'est la vie que choisit l'héroïne de Varda. La vie face à l'angoisse de la mort qui attend d'être introduite dans un tragique rendez-vous.
Alors on fonce, on panote, on marche vite, on prend des taxis, des bus, on reste dans le mouvement du temps et de la vie.
Où est-ce-qu'on va ? / Tout droit. / Et maintenant ?/ Tout droit.
Cléo de 5 à 7 est un film itinérant, qui aurait pu inspirer R. Linklater pour sa trilogie "Before". Ici aussi, on est dans l'avant, le continuel maintenant qui précède l'après. Et pourquoi penser à l'après quand le présent a tant à offrir ? Cruelle réalisation que fait Cléo quand elle chante sa splendide chanson "Sans toi". Ce n'est plus le temps d'attendre l'amour quand on le croise n'importe où.
Noir.
On change de robe. On retourne goûter le flux du monde. On regarde, on écoute, on se mêle aux badauds et aux clients, et qu'importe si on nous regarde ou pas. Il faut bouger, contempler, toujours.
On attend 18h30. Oui, mais en attendant ?
On va au cinéma, on voit Jean-Luc Godard enlever ses lunettes noires et oublier lui aussi la mort et (re)trouver l'amour. L'amour tiens. Il ne manque que ça pour compléter le tableau, pour faire comme dans les films. Mais on se sent déjà comme dans les films : au détour d'un escalier, on chante et on fait la star. On se croirait à Cannes en plein Paris, au parc Montsouris.
Montsouris. Rien que de le dire ça fait sourire, comme Cheese.
Alors ce n'est pas si étonnant de tomber sur Antoine quand on vit comme dans un film et qu'on dit oui comme ça à l'inconnu, comme on laisserait venir le plan suivant. Et avec Antoine, on attend. Elle attend les résultats et Lui attend la fin de sa permission. Le terme approche. On redoute la fin comme Cendrillon redoute minuit, ou le jour comme dans Before Sunrise.
Pourtant le terme viendra, aussi tragique qu'il puisse être. Mais tant pis.
Cléo de 5 à 7 a la délicieuse saveur de ces soirées trop courtes que l'on voudrait voir s'éterniser. Celles où l'on erre, où l'on se perd et où l'on savoure pleinement ce qui fait la vie : le perpétuel inconnu.
Et quand la fin vient, et que la soirée s'en va finalement, on reste là ébahi, les yeux grands ouverts sur la richesse du monde. Au loin, la voiture du médecin s'éloigne. On a tout le temps devant nous, quoi que.
Il me semble que je n'ai plus peur. Et il me semble que je suis hereux(se).
se dit-on alors.