Joli film pour minois superstitieux, Cléo de 5 à 7 joue avec les chiffres comme les symboles. Les tarots ouvrent le bal. Augures mortifères, ils se joignent à un diagnostique inquiétant et clôturent les craintes funestes de Cléo ; malade et hypocondriaque reconnue même de ses proches, elle fuit l’inévitable dans Paris pendant une heure trente, où les symboles ne manqueront pas de lui rappeler sa condition. En cela, je ne peux m’empêcher d’y voir des similitudes avec Le Signe du Lion de Rohmer, qui était plus solennel, et plus terrible.
Car Cléo de 5 à 7 entretient une légèreté féminine que j’ai du mal à pardonner. Comme si la passion n’était que l'apanage du viril. A l’image des propos troublants d’Antoine, pour qui les femmes n’aiment qu’à moitié, pour qui elles n’aiment qu’à être aimées, le film et sa Cléo m’ont paru ceux d’un homme. C’est donc ça, la vision féminine de la Nouvelle Vague...De la femme, ne peut-on exprimer le sérieux que par sa frivolité ? Est-ce à dire qu’elle est condamnée à ne pas être prise au sérieux ? Les intentions de Varda, sa vision de la femme et de la féminité me déçoivent.
Malgré tout, l’aspect formel est remarquable. Quelques plans ont été travaillés avec un soin auguste, notamment pour illustrer le moment où Cléo chante « Sans toi », ou encore, vu depuis le taxi avant d’arriver au parc Montsouris, lorsque son amie escalade ce vertigineux escalier.
Les dialogues ont tout de la mouvance de laquelle ils s’inspirent, les expressions populaires sont utilisées et détournées, se mélangent avec le chant, les rimes et les jeux de mots. Quelques travaux intéressants sont entrepris sur le travail sonore du dialogue, mais en 1962, on est loin de ce que font ou ont fait Godard ou Resnais.
Dans ce Cléo de 5 à 7, j’y ai vu un peu tout ce que la Nouvelle Vague avait déjà entrepris, mais de façon plus faiblarde. Varda imitait un peu trop sagement ses aînés et son premier film ne restera pas le plus emblématique. Elle imprimera de meilleures pellicules dans sa carrière.