Cléo de Sphinx à diète
Pour entreprendre l’ascension du monument Cléopâtre, tous les sens doivent être en éveil. Bien sûr, on contemplera avec une attention particulière la grandiloquence d’un film qui fut un gouffre...
le 10 oct. 2014
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Le film de la démesure, le film de tous les records, le film le plus coûteux, le film le plus ceci, le film le plus cela, le film le plus long (heu, non, ça c'est pas sûr), le film dont le tournage fut le plus mouvementé (heu, peut-être, quoique) …
Oui, sûrement, mais c'est un excellent film pour lequel il faut juste un peu s'organiser pour le voir car 4 heures, ce n'est pas toujours facile à caser. Un truc qui tombe bien, c'est que le film comporte deux parties à peu près égales l'une consacrée à l'histoire de Cléopâtre et Jules César et l'autre à l'histoire de Cléopâtre et Marc-Antoine.
Comme d'habitude, quid de l'aspect historique : le film est a priori très bien documenté à partir de sources datant de l'Antiquité (Plutarque, Suétone, Appien …). Mais comme on le sait, ces mêmes sources ont été écrites des dizaines d'années (si pas plus) après les évènements et ont bien souvent été commanditées (c'est le cas de Suétone) ; il reste donc une part d'interprétation a posteriori et d'inconnu.
Disons que ceci n'est peut-être pas le plus important. En effet, il reste que les personnages concernés, qu'ils soient romains ou égyptiens, correspondent à des symboles qui, eux, ont une valeur historique. Cléopâtre fut la dernière descendante d'une longue dynastie et avait certainement l'énergie et la volonté de se battre pour continuer à exister. Si tel n'avait pas été le cas, elle serait tombée dans l'oubli très rapidement. Le liant établi par le scénario entre les évènements historiques ou entre les personnages et ce qu'on sait d'eux a de ce fait une bonne part de vraisemblance.
J'ai bien aimé retrouver ce que je pourrais appeler "le folklore historique" comme par exemple l'arrivée de Cléopâtre auprès de César enroulée dans un tapis ou encore la gouteuse qui essuie la coupe avec un chiffon empoisonné ou encore les serpents venimeux dans une coupe de figues … J'aurais été très déçu si je n'avais pas trouvé mes petits repères ou mes petites légendes …
Ah et la mise en scène ! Fantastiques décors, sublimes costumes, … C'est beau et on s'y croirait vraiment. L'arrivée triomphale de Cléopâtre à Rome est extraordinaire (Je sais où Goscinny a pris son inspiration). C'est tellement énorme qu'on y croit dur comme fer. Les robes et le maquillage de Cléopâtre… Derrière le maquillage, les yeux. Bien sûr ce ne sont que les yeux de l'actrice mais, bon sang, quels yeux ! (Ah je comprends le Burton qui n'a pas pu résister).
Par rapport à un péplum ordinaire (= un péplum italien), le film est crédible. Et je pense que le film est crédible car il raconte des histoires finalement simples; connues et prévisibles. Il n'y a pas de super héros, pas de Victor Mature ni de Monsieur Muscle. Les batailles sont soit évoquées soit montrées de façon minimaliste. Ici, il n'y a que des soldats ou des politiciens avec leurs forces et leurs faiblesses qui tentent d'exister et qui finissent par mourir. Le fait que ces héros ordinaires soient dans des décors pas possibles rend le film très convaincant. C'est probablement une des raisons pour lesquelles je me sens bien dans ce film et que je ne m'y ennuie pas.
Le casting :
D'abord Liz Taylor dans un de ses rôles les plus puissants. Peu importe les caprices et les maladies dont sont remplis les bonus du DVD. On s'en fout. Ici on a affaire à une star, une vraie que n'aurait peut-être pas désavoué la vraie Cléopâtre. Sa fougue, ses airs alanguis que son regard fait mentir. Son regard foudroyant ou pétillant ou séducteur est inoubliable. Ses robes. Elle force le respect (du spectateur).
Je n'ai qu'une question (terrible) : est-ce que son nez est suffisamment grand pour ne pas faire mentir Blaise Pascal ?
Ensuite Rex Harrison. J'aime beaucoup cet acteur britannique plein de noblesse (l'aventure de Mme Muir, My fair lady). Ici il interprète Jules César avec un petit second degré qui passe très bien et est très convaincant. Ce qui est très crédible, autant pour ce qui concerne Liz Taylor que pour Rex Harrison, c'est que les deux personnages conservent une part de calcul et d'ambition dans leur relation passionnée. On n'en attend pas moins de ces deux personnalités politiques qui ont marqué leur époque.
Je n'ai qu'une question (perfide) : pourquoi diable un 15 mars 44 av JC, date de l'assassinat de Jules César, il y a plein de feuilles mortes dans le patio de sa maison ???
Et maintenant venons en à Richard Burton dans le rôle de Marc-Antoine. Dans l'ombre de son mentor Jules César, c'était un chef militaire de grande classe. A la lumière de la deuxième partie du film, en l'absence de son mentor, on découvre qu'il est un piètre stratège, manipulable par Cléopâtre qui le rend dépendant et le détruit. Un faible. Il n'est pas de taille face à Cléopâtre. Richard Burton est parfait dans ce rôle. La scène de sa fuite de la bataille d'Actium est terrible. De même la scène où il est abandonné par ses légions et se retrouve seul face à Octave. A la fin du film, les masques de Cléopâtre et Marc-Antoine tombent. La passion submerge les deux héros. On est en pleine tragédie. C'est beau, c'est romanesque. La légende Liz Taylor/ Richard Burton est née.
"Cléopâtre" est très probablement un des plus grands péplums jamais réalisés. C'est un bel hommage à une femme qui tenta de retrouver la gloire et la grandeur de son peuple face à une Rome conquérante.
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Créée
le 25 mai 2022
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