Ce film d'Yves Robert tourné en 1969 est adapté d'une pièce de théâtre de Marcel Aymé jouée pour la première fois en 1950. Je ne connais pas la pièce et donc ne vais pas pouvoir en parler. À voir le film d'Yves Robert qui a une tonalité assez soixante-huitarde (j'y reviendrai), je pense qu'il a dû pas mal extrapoler un propos datant de 1950. Encore qu'avec Marcel Aymé, on peut s'attendre à un peu tout.
Par contre, j'ai tendance à mettre en perspective ce film avec "Alexandre le Bienheureux" sorti l'année précédente parce que Robert met en scène Philippe Noiret comme personnage principal.
Alors qu'"Alexandre le bienheureux" est une comédie sur la nonchalance, le laisser-vivre, "Clérambard" se veut nettement plus ambitieux.
Un comte ruiné (Philippe Noiret) tyrannise sa petite famille pour la faire travailler sans relâche et tenter de maintenir à flot son château vaille que vaille. En parallèle, il tue tous les animaux domestiques (chiens, chats, …) qui commettent l'imprudence de s'approcher du château afin de compléter l'ordinaire …
Un paysan et voisin du château qui en a marre (de perdre ses chats et chiens) se déguise en Saint-François d'Assise pour tenter de convaincre le comte, à travers un pseudo-miracle, de changer d'attitude.
Ça fonctionne et notre comte change diamétralement de comportement et reste tout aussi tyrannique mais cette fois sur la protection des animaux (y compris la sœur l'araignée) et sur la recherche du bonheur dans la pauvreté et le déclassement.
Ceci n'est qu'un résumé d'un scénario bien plus riche et complexe qui dénonce l'hypocrisie des classes sociales : le notaire bourgeois, plein de mépris pour le comte, veut marier sa fille avec le fils du comte de façon à accéder à la classe supérieure et surtout mettre la main sur le château. Yves Robert laisse aller son anticléricalisme bien connu pour se gausser des croyances populaires qu'il considère comme des superstitions : le comte, transfiguré et devenu l'ami des animaux et pauvre d'entre les pauvres, parvient à entrainer la population subjuguée derrière lui, suite à un miracle que tout le monde voit sauf le curé qui reste tout seul (en train d'imaginer ses problèmes à venir avec sa hiérarchie).
Et je passe sur certains aspects comme la prostituée qui devient soudain plus respectable que la comtesse et le notaire réunis.
Bon, soyons clairs, j'ai découvert ce film en DVD il n'y a que quelques années. Le film m'a laissé très froid au premier visionnage. J'ai dû le revoir une deuxième fois parce que je n'aime pas rester sur un échec et parce que j'aime bien Yves Robert. Je viens de le revoir une troisième fois et je veux bien reconnaître qu'il y a de l'idée dans ce scénario foutraque. On reconnait bien les thèmes soixante-huitards anticléricaux, antitout, l'amour et les petits oiseaux, la paix … C'est le traitement de cette idée qui ne me convainc guère entre la fausse naïveté et la morale à deux balles.
Par contre, il reste les numéros d'acteurs pris un à un, indépendamment de l'histoire, qui restent excellents comme le rôle tenu par Philippe Noiret, truculent et odieux. Illuminé et gentil.
Dany Carel dans le rôle de la prostituée surnommée La Langouste car elle a des taches de rousseur sur le corps (qu'on ne verra pas …) amène une indéniable fraîcheur avec sa gouaille et sa gentillesse voire sa générosité.
Claude Piéplu dans le rôle du notaire est impayable … comme Roger Carel dans le rôle du curé ou Lise Delamare dans le rôle de la belle-mère. Gérard Lartigau en puceau bègue qui retrouve la voix après l'emballage express d'une des filles du notaire ne démérite pas.
Ah, oui, pour finir, il y a aussi dans le générique de fin la belle voix de Marie Laforêt qui nous chante "la ballade de Clérambard". Tiens, ça va me permettre de rajouter un point à la note de ce film qui ne m'a pas énormément passionné …