J’avoue un faible pour Marcel Aymé. La découverte du DVD chez un soldeur m’enchanta. L’idée de découvrir l’adaptation par Yves Robert de l’une de ses pièces me ravissait. Après le succès d’Alexandre le bienheureux, où Philippe Noiret incarnait un inoubliable hédoniste bourru, Robert enchainait avec un sujet similaire. Noiret joue le comte Hector de Clérambart, hobereau ruiné qui, refusant de vendre son château, martyrise ses proches qu’il nourrit de chats et de chiens braconnés… Jusqu’à ce que la grâce ne frappe Hector et l’entraine à céder sa ruine pour partir mendier sur les routes en disciple de saint François, après avoir marié son fils unique à la belle Langouste, gouailleuse et improbable fille de joie au cœur généreux.
Bebel fanfaronne, Funès couine, Galabru finasse quand Noiret tonne. Ce dernier possède la plus belle voix du cinéma des années 60, un timbre de basse qui excelle dans les répliques ciselées de Marcel Aymé. Noiret est impérial et parfaitement soutenu par une ribambelle de solides seconds rôles, ceux-là mêmes qui assuraient le succès des comédies d’antan : Martine Sarcey, Claude Piépu, Gérard Lartigau, Patrick Préjean et un savoureux Roger Carel en curé sceptique, le seul villageois épargné par la contagion religieuse.
J’éprouve un sentiment de malaise, que penser de ce patchwork ? Robert oscille constamment entre le vaudeville (la délicieuse Langouste, les cuirassiers et son ahuri de vicomte), la comédie de mœurs rurale (le fermier, l’avoué et ses trois filles) et l’ironie grinçante de la belle-mère et d’Hector, pour s’achever en une extravagante apothéose.
Pour l’anecdote, si Noiret est un comte fort crédible, Léonie la Langouste est la seule aristocrate de la distribution. Née Yvonne Suzanne du Chaxel, Dany Carrel est le fruit de l’union “illégitime” d’une vietnamienne et d’un directeur des douanes coloniales issu d’une vieille famille lorraine, implantée en Martinique et décimée par l'éruption de la Montagne Pelée.
La dernière image d’Hector, fouet au vent, formidable géant drapé dans sa houppelande, debout sur l’avant train de sa roulotte est une réminiscence du célèbre portrait d’Alphonse de Toulouse-Lautrec, menant son mail coach à quatre chevaux. Fouette !