J'aurai rarement eu au cinéma autant l'impression de monter dans un grand huit sensoriel qu'en regardant Climax.
Unité de temps, de lieu, d'action : Gaspar Noé tourne en 15 jours une descente aux Enfers à la facture très classique. Après quelques minauderies un peu vaines bien qu'amusantes (des logos détournés, le générique de fin au début, des interviews de danseurs et la pile de DVD de Noé), le film commence vraiment. S'enchaînent alors de fabuleux plans séquences pendant plus d'une heure.
On commence par des chorégraphies hip hop (pour simplifier) démentes qui donne envie de voir Gaspar Noé tourner une comédie musicale. Le rythme et l'énergie des danseurs perforent littéralement l'écran. Petit à petit, la sangria arrangée rend les danseurs un peu dingues en révélant leurs mauvais penchants. La caméra sort alors de la salle de danse pour s'égarer dans les locaux techniques, la cuisine et les chambres, et nous montrer dans un flamboyant et sinueux cauchemar toute la noirceur de l'âme humaine.
Pour une fois, Noé ne montre pas les délires vécus par ses personnages de l'intérieur (en caméra subjective), comme il le faisait dans Into the void par exemple, mais adopte un point de vue distancié, de l'extérieur, sans aucun effet spécial. Son cinéma y gagne une densité nouvelle : l'horreur ne résulte pas d'effets frelatés mais de l'acuité distanciée avec laquelle les comportements de la bande sont montrés.
On peut ainsi voir une jeune femme prendre littéralement feu suite à une mauvaise manipulation, puis s'éloigner pour s'intéresser à d'autres personnages tout en sachant qu'une fille est en train de brûler quelque part dans les pièces voisines. Multiplié tout au long de cette nuit violente, le procédé crée un maelström d'une grande beauté : Climax est un feu d'artifice à combustion lente, mêlant corps, bassesses et drogues.
Le film captive sans finalement choquer : une première pour Gaspar Noé, et pour moi son meilleur film.
http://www.christoblog.net/2018/09/climax.html