Gaspar tourne en rond, tant sur sa forme, que dans son fond. Toujours la même descente aux enfers qui engloutit tout après de fugaces moments de bonheur, de plaisir. Toujours la même imagerie sale et glauque dans laquelle s'enferme, tel un insecte de nuit, une caméra qui virevolte sans cesse, déconstruisant ainsi l'espace et le temps. Sauf qu'ici, l'impression n'est plus celle d'un artiste obsessionnel compulsif, qui creuse, triture avec acharnement son œuvre afin d'en accoucher de sa catharsis thématique. Mais bien au contraire, le climax annoncé avorte. Plus rien ne dérange, n’écœure, ni ne révolte ou ne révulse vraiment. Aseptisé, le malaise du moment provient d'un confort inconfortable qui semble peu à peu s'installer.
La danse, magistral décor du film, avec notamment la chorégraphie au sein de sa première partie, qui en comparaison, montre à quel point la série toute en queer Pose (Ryan Murphy;Brad Falchuk-2018) n'aime pas réellement ses sujets, mais qui du coup nécessite de véritables danseurs et non pas des acteurs. Ne parvenant donc pas à conjuguer les Arts, les faibles lignes de dialogue sont assénées avec une fausseté aussi dissonante que des couacs involontaires d'un DJ maladroit durant son set bien laborieux.
Alors bien sûr, il y a en toile de fond, un sujet très actuel au pessimisme radicalisé. La France, jeune et multiculturelle, en marche elle semble avancer, s'aime et se mélange. Mais quand un catalyseur de haine contamine le sang, l’homogénéité implose. On se replie, se juge et se condamne avant de se mutiler, de s'entre dévorer. Les symboliques à peine voilées, sont lourdes et convenues, et le scénario qui se voulait étendard sanglant, se prend les pieds dans le rideau.
L'abus de drogues est dangereux pour la santé mentale. Autant, dans un trip hypnotique, la résonnante phrase "Le temps détruit tout", résumait à la perfection Irréversible (Gaspar Noé-2002), ici, les encarts posés de-ci de-là, tombent systématiquement comme des cheveux sur la langue. Frisant un létal ridicule, il faut vraiment être sous influence pour trouver percutant ces mantras de biscuits chinois tels que "La vie est une impossibilité collective" ou encore "La mort est une expérience extraordinaire", qui à l'endroit ou à l'envers, passent de travers.
Et pourtant Noé, et pourtant, je continue tant bien que mal à flotter...