Après l'avoir visionné pour la troisième fois, je campe sur mes positions : Closer est un grand film nettement sous-estimé. Le frère cadet un peu trop cynique d'Eyes Wide Shut, moins doué et pas aussi virtuose que son aîné, mais tout aussi éloquent dès lors qu'on lui demande de nous expliquer "c'est quoi en fait, un couple ?". Jugez plutôt.
"Bon assieds-toi là que je t'explique, mon petit. Désolé si je t'appelle 'mon petit', c'est pas que j'ai le melon mais j'ai quand même été réalisé par Mike Nichols, alors que toi quand on voit ta gueule on comprend vite que t'as été réalisé par Marc et Nicole. Alors tu me demandes ce que c'est que le couple. Je vais te dire une bonne chose mon petit, pour faire un couple il te faut deux personnes. Au moins. Moi, vu que je suis né avec les moyens, j'ai pu me payer de la personne de marque. Du Roberts, de l'Owen, du Portman, ça c'est de la bonne came. J'ai pris du Law aussi, le vendeur m'en avait dit le plus grand bien mais au final c'est pas très haut de gamme et t'auras du mal à le recycler.
Bref tu prends donc deux personnes, et soit tu attends que le hasard fasse bien les choses pour qu'elles se croisent dans la rue face à un passage piéton pendant que Damien Rice fredonne une douce mélopée, soit tu donnes un petit coup de pouce au destin. Amélie Poulain avait sa méthode bien à elle, mais entre nous, le coup du canular au sexchat c'est quand même mille fois plus fendard et vicieux. A partir de là, si tout se passe bien, ça se passe bien. C'est-à-dire que les deux personnes se sourient, s'embrassent délicatement comme les étoiles d'un ballet russe, et se font des promesses. Au terme d'une réaction chimique complexe et plus ou moins aléatoire, nait alors ce que l'on appelle l'amour.
Sauf que l'amour a oublié de naître orphelin. En regardant de plus près, mon petit, si si penche-toi un peu tu verras, on découvre en effet les rejetons d'une fratrie bien soudée : le désir, le sexe, la jalousie, la haine, l'adultère, la bestialité. Oui, je te le cache pas, c'est un beau bordel. Et quand ils se tapent sur la gueule, ça met une de ces pagailles. Regarde mon Owen passer en deux minutes de l'amour transi à la haine viscérale. "Thanks for your honesty. Now please fuck off and die". Admire au passage la qualité de mes dialogues, car sans vouloir me vanter, j'ai été écrit par un théâtreux, oui monsieur. A ce niveau de finesse je n'appelle même plus ça des dialogues, mais des joutes verbales Bordeaux Chesnel ®, sans l'odeur de rillettes parce que faut pas déconner non plus.
En gros, pour te résumer tout ça, le couple, c'est un peu comme les soldes, on y rentre heureux et plein d'espoir, on en ressort amer et hagard. Alors que moi, je te lâche sur le déhanché au ralenti de Natalie Portman et l'air déchirant de Damien Rice. Et c'est quand même mieux."
NB : Après un sévère épisode de dépression caractérisée, Closer coule aujourd'hui des jours heureux auprès de son épouse American Beauty. Un temps reconverti dans la presse people, il a depuis trouvé un emploi à temps plein en tant que film de chevet.