Sans puissance, la maîtrise n'est rien
Dans la mesure où vous n’avez rien d’autre à faire pendant les presque trois heures à venir, vous pouvez sans trop d’hésitations vous lancer dans le visionnage de Cloud Atlas. Cette coproduction, à la tête de laquelle on trouve les désormais frère et soeur Wachowsky — cette information n’a pas d’autre intérêt que de titiller la corde sensible de votre curiosité mal placée — vous propose une grande épopée tous publics, bon enfant et pleine de bons sentiments comme ils savent si bien le faire.
Adapté du roman éponyme, Cloud Atlas raconte six histoires se déroulant dans des époques et lieux différents (voire des espace-temps différents), mais qui s’entrechoquent à la croisée des destinées des personnages qui les vivent. Depuis le XVIIIe siècle jusque dans un futur relativement lointain, les ambitions et choix des protagonistes fondent un monde par-delà les barrières du temps, comme un tout cohérent et porteur de sens.
La première partie du film enchaîne à une vitesse ahurissante des scénettes d’abord sans queue ni tête pour poser le contexte et ancrer les différentes périodes. La suite est construite comme une lente mais sure montée de tension. En dépit des craintes, tous les univers, complexes, s’imbriquent à merveille et, si une certaine concentration est nécessaire pour ne rien manquer (les voix off se succèdent à toute berzingue), la maîtrise de la mise en scène est incontestable et force le respect.
L’aventure est merveilleuse, les enjeux font vibrer le petit coeur du spectateur qui cherche à reconnaître, entre les mondes, quel personnage est incarné par qui. Mais c’est là la grosse faiblesse de ce film, doté d’un budget pourtant généreux pour une production quasi indépendante. Si le message du film, simpl(ist)e, est naïvement scandé, sans pour autant atteindre des sommets de niaiserie, prônant dans un même élan l’amour, la vérité, le courage, le souffle mystique et mythique fait peu à peu place à une vague un peu trop spirituelle, lorgnant sur le religieux, et la présence des mêmes acteurs pour jouer différents rôles dans ces temporalités différentes officiellement sans lien, transforme l’histoire comme réinventant sans rien inventer la mythologie de la réincarnation.
Sans compter que tous ces maquillages n’étaient pas forcément nécessaires.
En exceptant ces quelques tares bien pardonnables, cette cosmogonie à la forme particulière, séduisante bien que par trop consensuelle et un peu vaine en définitive, fait passer un plus que bon moment au spectateur avide de rêves faciles à l’apparence complexe.