Club Zero
5.4
Club Zero

Film de Jessica Hausner (2023)

Esthétiquement somptueux mais décevant dans son traitement

Mais qu'est-ce que j'aime Jessica Hausner ! Un cinéma glacé, dénué de toute émotion, cynique et pervers, qui se meut dans son paroxysme à la comédie noire, ce que l'on peut observer dans ce bonbon acidulé qu'est Club Zero, objet filmique non identifié qui ne plaira pas à grand monde.

Visuellement, c'est un chef-d'œuvre. Ultra-esthétisé, jusqu'à l'artificiel, bourré de couleurs pastel qui en deviennent étrangement froides et inquiétantes. Les procédés stylistiques se répètent, la composition des plans est remarquable d'intelligence, le montage est à lui-même un personnage et la musique, moins présente et insistante que dans Little Joe, participe pleinement à l'ambiance qui se déploie tout au long du visionnage. Et il est là le deuxième gros point positif de cet OFNI, son atmosphère, savamment construite du début à la fin, malsaine et paradoxalement jouissive, de laquelle le jeu des acteurs est une importante caractéristique : robotique, récitatif, effrayant de froideur. Tout cela, qui pourrait paraître assez inconsistant, forme un ensemble d'une cohérence inouïe, inclus dans une telle œuvre.

Alors, pourquoi seulement 6/10 ? A cause de la première heure. Elle est correcte, mais ne transcende pas et la scénariste/réalisatrice à comme peur de pousser son concept trop loin, alors que c'est ce que l'on pourrait souhaiter de mieux au film. Tout est trop retenu, et en devient même ennuyeux, de même que les scènes de pseudo-secte, pas assez horrifiantes et qui auraient mieux pû être travaillées, de même que le traitement des différents groupes de personnages (élèves, parents, professeurs).

Après cette première partie qui peut être définie comme assez ratée sur le plan scénaristique, la dernière demi-heure confine au chef-d'œuvre. Une quintessence synesthétique jubilatoire, où le film assume pleinement ses ambitions et son pessimisme, déroulant son discours de manière remarquable, pratiquant un humour à froid incroyablement bien pensé (car Club Zero, en plus d'être un conte initiatique à la Candide, doit être pris comme une comédie noire, n'en déplaise à ses détracteurs n'ayant pas le recul nécessaire, allant même jusqu'à quelifier le film de dangereux), aboutissant à un final terrifiant, composé entre autres de deux scènes pivot, l'une dans un environnement onirico-mystique (particularité faisant partie intégrante du récit (représentation du paradis après le suicide collectif ?)), oxymore visuel entre horreur et sublime, et une phrase de fin, face caméra : "si vous avez la foi." Glacial.

Pas totalement réussi, donc, mais follement original et absolument brillant dans son somptueux final.

Phantasmagoria
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les films les plus attendus de 2023 et Mon année de cinéma 2024

Créée

le 18 févr. 2024

Critique lue 11 fois

Phantasmagoria

Écrit par

Critique lue 11 fois

D'autres avis sur Club Zero

Club Zero
Cinephile-doux
7

Régime strict

Ce qui est bien avec Jessica Hausner, c'est qu'elle n'a pas peur de choquer ni de susciter le dégoût, et tant pis si, à l'instar d'un Ruben Östlund, elle passe pour une poseuse et une cynique. Il est...

le 27 mai 2023

11 j'aime

Club Zero
Sergent_Pepper
4

Que la diète commence

Jessica Hausner est en passe de devenir une abonnée des sélections cannoises : son précédent et assez inoffensif Little Joe était en compétition en 2019, avant qu’elle ne soit membre du jury en 2021,...

le 29 sept. 2023

10 j'aime

1

Club Zero
Cineratu
1

Club 0/10

Club Zero est l'histoire d'une petite classe d'une école privée qui suit le cours de Madame Novak, une enseignante nutritionniste qui prêche un mode de vie et d'alimentation différent pour tout un...

le 1 oct. 2023

6 j'aime

Du même critique

La Fille de son père
Phantasmagoria
6

Un film fragile mais merveilleux, qui ose une originalité si puissante qu'elle frise l'expérimental

Bien qu'il soit bourré de défauts, ce film est une merveille, et ce sont ses maladresses qui participent à son charme implacable. Onirique, poétique, puissant, romantique, dramatique, fantastique...

le 2 janv. 2024

2 j'aime

Anora
Phantasmagoria
6

La tragédie d'Ani

Ralentis et néons. La caméra épouse ces corps gracieux, sublimes dans leur exhibition, jusqu'à elle. Ani. Gros plan. Son visage est scruté. Elle balance la tête, et ses cheveux, comme en apesanteur,...

le 20 sept. 2024

1 j'aime

Lick the Star
Phantasmagoria
6

Prémisces

Je n'aime pas noter les courts-métrages car je les trouve toujours mauvais, inaboutis et brouillon, aussi bien dans la forme que sur le fond. J'ai un problème avec ce format, je n'arrive pas à m'y...

le 2 mars 2024

1 j'aime