Club Zero
5.4
Club Zero

Film de Jessica Hausner (2023)

Club Zero est l'histoire d'une petite classe d'une école privée qui suit le cours de Madame Novak, une enseignante nutritionniste qui prêche un mode de vie et d'alimentation différent pour tout un tas de raisons médicale, philosophiques, politiques. Le principe est simple : il faut jeûner. Ce groupe d'adolescents, qui se veut révolutionnaire, fini par tomber dans la secte new age, avec tout ce qu'il y a de malsain. Madame Novak est une personne utilisant son autorité pour manipuler des jeunes influençables qui ne savent comment mener une lutte de manière pertinente. Elle s'engouffre dans leurs failles et leur fait croire qu'elle peut apaiser leurs craintes et résoudre leurs problèmes, qu'ils soient médicaux, scolaires, sportifs, artistiques. Avec le bon récit, on peut proposer une solution miracle à tous les maux. Moins manger veut dire perdre du poids, absorber moins d'ONG où de trucs toxiques pour l'organisme, consommer moins de ressources et donc protéger l'environnement. Alors, on se sent sauvé. Une élève s'émerveille même que Madame Novak l'a "ensorcelé".

Le film semble tirer sur tout ce qu'il dépeint comme la faiblesse des familles bourgeoises réagissant à peine à l'embrigadement de leurs enfants, la jeunesse incapable de formuler une révolte cohérente, une institution scolaire mole, les solutions ésotériques aux problèmes concrets et toutes les âneries de développement personnel pour petits bourgeois décérébrés. C'est assez drôle de voir des personnages en lutte contre le consumérisme alors que Madame Novak vend des produits avec sa tête imprimée dessus et que les élèves gaspillent leur nourriture en la jetant à la poubelle.

Cependant, le film sombre complètement à cause la mise en scène et la connerie du scénario. Le dispositif de mise en scène reposant sur la précision et le maniérisme rend le film assez artificiel et lui fait perdre sa force de frappe. La satire vire à la caricature risible. La placidité ambiante, la lenteur, les couleurs étaient, dans un premier temps malaisantes, mais finissent par rendre le tout artificiel et tape-à-l'œil, à l'image du grossier maquillage de zombie tartiné sur le visage des acteurs dans la dernière partie du film. On a aussi cette représentation médiocre de la bourgeoisie, enfermée dans une maison design avec domestique, où la maîtresse de maison porte un chemisier de soie blanche. On pourrait aussi parler du couple de bobos qui ne jure que part le végétalisme et le bio.

Mais surtout, il y a la fin qui assoit la connerie monumentale du film. En tentant de comprendre pourquoi leurs enfants ont fui, ou se sont donné la mort, les parents évoquent l'idée de faire le jeûne à leur tour. Je ne sais même pas à quel point c'est débile. Ça me dépasse. Les parents veulent comprendre quoi exactement ? Comment crever ? Comment en arriver au suicide ? Je veux bien qu'on se moque des bobos, des bourgeois... mais quand même. Personne ne reconnaît un comportement sectaire quand il en voit un ? C'est en ça que la satire, la critique virent à la connerie pure.

Par ailleurs, la réalisatrice pense avoir une idée de génie en faisant s'adresser une des rescapées de la secte/classe directement au public par un regard caméra, nous prenant à part. Elle nous invite à essayer le jeûne et que pour comprendre toutes ces histoires, il faut avoir la "foi". Euh nan ! Va te faire foutre en fait. Toute la classe s'est transformée en zombie avant de se donner la mort. À quel moment je peux me sentir concerné par ces déclarations ? Tout ce que je veux faire, c'est me lever pour mettre une bonne droite à cette connasse. Quel est le projet du film ? Nous faire plonger avec les élèves dans l'endoctrinement ? Nous mettre mal à l'aise en nous faisant croire qu'on pourrait adhérer à la secte ? Mais jamais de la vie, le film est beaucoup trop froid et distant pour nous embarquer dans son délire. Je n'ai rien contre le fait qu'on veuille m'influencer pour suivre une philosophie debile, mais il faut bien le faire !La fin sonne juste comme un énorme WTF. Mais pas que.

Le film finit par dégager une odeur assez rance, validant le délire malsain des élèves, et promouvant le jeûne extrême. La satire ne vire pas qu'au ridicule, mais aussi à la promotion. La moindre nuance est abandonnée, les parents finissent par croire au jeûne. Il y a cette scène où les élèves réussissent ce qu'ils entreprennent dans leurs domaines respectifs : théâtre, trampoline. Les deux élèves qui quittent la classe sont tout simplement exclus du film. La scène de la dégustation de vomie semble être là pour nous dégoûter du fait de manger. Le seul problème médical que rencontre un membre de la classe est en fait lié à son insuline. Une des images finales montre les élèves se pavaner dans une sorte de Paradis bucolique promis par la prof plutôt dans le film. Donc oui, jeûner jusqu'à la mort semble être la bonne solution pour atteindre le nirvana. Je pense qu'on a besoin de plus de films comme ça. La promotion des TCA et du suicide collectif n'est pas assez mis en avant au cinéma. Bon aller, je vais jeter toute ma bouf et attendre de rejoindre l'au-delà en crevant la dalle.

Cineratu
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le 1 oct. 2023

Critique lue 734 fois

6 j'aime

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