Mademoiselle Novak est une professeure d'un genre nouveau, avec un concept qui devrait faire fureur, l'alimentation consciente, et qui en tout cas fait forte impression sur les parents et la directrice de l'école privée très sélective de la Talent Academy. Plus ou moins rapidement et insidieusement, l'enseignante prend l'ascendant sur des élèves au motivations variés mais dont les points communs semblent pour certains un manque d'affection, une forte pression sociale et une désinvolture parentale. Club Zero est à la fois une satire gentille de ce milieu riche et supposé éduqué mais manquant de sens commun et frisant régulièrement l'absurdité crasse, et un drame cynique sur les mécaniques sectaires.
Si la manifestation de cette emprise se retrouve dans l'alimentation, ou plutôt la non-alimentation, le film ne traite pas de troubles du comportement alimentaire (ce qui peut paraître pourtant logique quand on mixe alimentation et construction adolescente), mais bien de cette relation pernicieuse entre un gourou et ses disciples, où chacun vient combler le manque d'attention et de reconnaissance de l'autre.
Je regrette un peu que les personnages du film soient souvent unidimensionnels il manque quelque peu de richesse. Si cela permet aux propos d'être clairs et incisif, il peut paraître à des moments quelque peu borné ou aveugle voire superficiel. Le choix d'exprimer l'emprise sectaire via des troubles du comportement alimentaire sans avoir fait de recherche sur ceux-ci et sur leur effet psychologique (de l'aveu de la réalisatrice elle-même) donne par ailleurs quelques scènes un petit peu fausses. En revanche, elle réussit bien la mise en scène des mécaniques d’emprise et de tentative de sortie, tout en conservant un regard cynique sur le milieu dans lequel elle se produit. Les dialogues entre le Club et leur entourage tournent souvent au dialogue de sourd, où chacun campe une vision du monde opposée et ne sait formuler une parole sensée. Les adultes eux-mêmes semblent confus face à leur propre erreur de jugement.
Jessica Hausner et sa sœur font un superbe travail formel et stylistique sur le film, avec ce choix de décor lambrissé et feutré, ces uniformes criards et ces architectures géométriques. L'évolution du film se retrouve jusque dans la tenue de Mademoiselle Novak qui passe ainsi d’un jaune solaire un noir austère. Les lieux de vie familiaux sont également minutieusement construits, dans une opulence froide et déshumanisante, reflets d'adultes matérialistes et crédules en quête de spiritualité et de conformisme.
Club Zero laisse une trace avant tout formelle, avec un style visuel et des partis-pris de mise en scène fort qui sous-tendent efficacement le propos, mais un propos justement un peu frustrant et décevant par instants.