En 2013, après le rachat tout frais de Pixar par Disney et les sorties concomitantes du douteux « Rebelle » et la triste exploitation de la licence « Planes », j’avais écrit un article acerbe contre le studio à la lampe, annonçant même sa mort artistique…
Bon bah voilà qu’en 2017, deux ans après « Vice-versa », Pixar sort ce « Coco » ; le film qui démontre à quel point j’étais totalement à côté de la plaque.
Moi, au sortir de ce film, je n’ai qu’une seule chose à dire : « chapeau ».
Chapeau parce qu’au lieu de s’être laissé polluer par l’esprit réac de chez Disney, Pixar a au contraire su persévérer dans son audace formelle et discursive, tout en emportant la petite souris Mickey dans son sillage.
Et pour le coup, ce « Coco » en est quand-même juste l’incroyable et lumineuse illustration.
A une époque où on a tendance à tout lisser / édulcorer / simplifier sous prétexte qu’il ne faut pas brusquer / choquer / bousculer pour plaire au plus large public ; ce « Coco » prend ici le parti opposé en se posant la question dans l’autre sens.
Qu’est-ce qui n’a pas encore été exploré ou raconté ?
Qu’est-ce qui n’a pas encore déjà été dit dans une logique de spectacle pour toute la famille ?
Quel univers visuel n’a pas encore été inventé ?
Cette démarche là, c’est une démarche qui manque trop au cinéma d’aujourd’hui.
Cette démarche là – et n’en déplaise à Jean-Michel Frodon – ça s’appelle une démarche d’artiste.
Oui, les petits gars de chez Pixar sont des artistes, et pour moi toute cette série de prises de risque et de contrepieds par rapport aux attentes face à ce genre de spectacle le démontrent bien.
Oser parler de la mort : première audace.
Oser le faire au travers d’une culture qui n’est pas dominante au regard des critères américains en vigueur : deuxième audace.
Oser en profiter pour questionner cette institution intouchable qu’est la famille : troisième audace.
Et tout ça pour creuser des sujets comme le deuil, l’oubli ou bien encore la transmission…
Ça, déjà, c’est avoir des cojones…
Mais encore faut-il avoir le talent de ficeler toutes ces prises de risques en un film qui sache à la fois conquérir sans diviser et émouvoir sans sombrer dans la facilité.
Et là, franchement, je dois avouer mon admiration inconditionnelle aux équipes qui ont été ici dirigées par Lee Unkrich et Adrian Molina.
TOUT marche.
Et ça marche parce que le fond et la forme sont incroyablement cohérents.
L’opposition jeunes / vieux ; famille / individus ; tradition / émancipation ; sagesse / passion est ici posée et incarnée dès les premières minutes au travers de cette idée très judicieuse qu’est l’utilisation de la fête des morts comme cadre de cette histoire.
Alors certes, ce début nous annonce quelque-chose de très classique comme schéma de résolution, mais au moins ça a le mérite de poser très rapidement et très clairement les choses, sans perdre de temps comme avait pu le faire à ses dépends « Cars 3 ».
Et si le classicisme aurait pu être un souci, ici ce n’est pas le cas car, très rapidement, « Coco » dépose une flopée de nouvelles idées, couche par couche, au point de nous emmener progressivement vers quelque-chose d’assez unique en son genre.
D’ailleurs – franchement – si vous pouvez aller voir ce film sans rien en savoir comme ce fut mon cas, vous risquez de vous régaler tant ce film est riche en surprise et n’arrête jamais d’enrichir les choses qu’il traite.
La créativité se retrouve partout.
Chaque plan est l’occasion de trouvailles visuelles, de références culturelles, de détails raffinés et succulents.
Et si d’ailleurs le film s’était contenté simplement de faire ça, je l’aurais déjà trouvé génial, mais en plus de ça, il a fallu que le duo Unkrich / Molina ait poussé leur exigence jusqu’au fait d’apporter de nombreux retournements de situation qui, loin d’être superflus, savent apporter sans cesse une dimension de plus en plus subtile à notre compréhension de l’intrigue.
Ainsi faisant – forcément – ce « Coco » débouche sur un final qui n’a rien à envier à celui de « Vice-versa » : touchant, sincère et humble.
Que ce film sache d’ailleurs réinvestir les questions de la famille et de la tradition sans passer par la case ultra-réac, ça apporte aussi une véritable fraicheur et ça comble un manque ; incontestablement.
Et dire qu’avant d’aller le voir ce « Coco » je trainais les pieds !
Et tout ça parce que la seule chose que j’en avais vu, c’était un simple encart « publicitaire » d’Allociné qui montrait l’image d’un gamin jouant de la guitare avec le titre : « Coco : un pas de plus vers la diversité des personnages. »
Fort heureusement, « Coco » n’est pas ce film cochant des cases qu’Allociné semblait vouloir nous vendre.
Et si c’est l’idée que vous vous en faites, alors apprenez que non – justement – « Coco » c’est tout l’inverse. Il est un film audacieux et créatif, qui va là où personne n’ose aller aujourd’hui, mais tout en maintenant un niveau d’exigence formelle absolument irréprochable.
Moi qui désespérais depuis le début de cette année d’avoir un film qui sache m’émouvoir, me transcender et me bousculer en profondeur, et bah en tout cas me voilà maintenant servi.
Donc merci Pixar. Mille fois merci.
Et encore une fois : « bravo ».