1930, en pleine période pré-code Hays, Josef von Sternberg débarque à Hollywood avec Marlène Dietrich, précédés d'une réputation sulfureuse tout droit venue de l'Ange Bleu. Histoire de pimenter un peu tout ça, on choisit une histoire de passions torrides dans la moiteur marocaine, on prend le jeune Gary Cooper pour faire le plus beau légionnaire du monde, un Adolphe Menjou impeccable pour jouer la noblesse française et on laisse mijoter l'ensemble jusqu'à ébullition.
Tous les personnages sont désabusés dans Morocco : la chanteuse de cabaret qui a trop fait confiance aux hommes, le Casanova de la légion qui oublie en vain la trahison d'une seule femme dans les bras de centaines d'autres, le citoyen du monde millionnaire qui ne croit plus en grand chose, et tout ça se laisse vivre, ou mourir langoureusement dans les ruelles étouffantes et les nuits mystérieuses.
Comme d'habitude, Marlène bouscule les conventions, réveille les mâles en embrassant les femmes, déshabille les hommes en s'habillant comme eux, et ils tombent tous, comme des mouches par trop grande chaleur. Gary, beaucoup trop beau pour être honnête sème la désolation parmi les femmes et la jalousie chez les hommes, avec le danger qu'implique une trop grande promiscuité avec madame Caesar, femme du petit tyran qui lui sert de chef...
Le film n'est pas exempt de maladresses, les premières années du parlant sont rarement créatrices de perfection, mais la passion qui renait dans ces coeurs desséchés a quelque chose d'émouvant, comme un retour en grâce des malheureux de tous bords.
Moi, j'aime beaucoup ces films des années trente sur une Algérie ou un Maroc fantasmés, j'aime les conditions de vie dans les petites villes de garnison, les paumés qui se retrouvent, d'autres lois, d'autres moeurs, les instincts en guise de passions et cette langueur que je ne supporte réellement qu'au cinéma...