Le film précédent de Pawel Pawlikowski, Ida, m'avait déplu par son formalisme excessif, qui tuait les émotions. Cold war me réconcilie de ce point de vue avec le cinéaste polonais : la caméra est plus agile, les superbes effets de style beaucoup plus au service de la narration.
Après une entame austère et très belle, le film nous entraîne dans une balade désabusée dans l'Europe de la guerre froide. L'histoire d'amour contrariée de Wiktor et Zula, qui parcourt joliment les décennies, est empreinte d'une triste nostalgie. La brièveté du film (1h27) contraste avec l'ampleur du récit. Pawlikowski s'oblige à la concision et parfois même à l'ellipse euphémistique : c'est souvent très beau (par exemple la scène de concert lorsque Zula reconnaît Wiktor dans le public).
Les deux acteurs principaux sont sublimes et la façon dont le temps transforme leur visage est très émouvante. Joanna Kulig, en particulier, irradie littéralement. Sa force de caractère et ses dérèglements la rendent magnétique à l'écran. On ne n'oubliera pas de sitôt certaines de ses répliques ("Mon père m'a confondu avec ma mère, le couteau lui a expliqué la différence") jusqu'à la toute dernière scène, magnifique ("Tu es plus lourd que moi, prends-en plus").
Cold war a obtenu prix de la mise en scène au Festival de Cannes 2018, et c'est mérité.
http://www.christoblog.net/2018/10/cold-war.html