Je ne vais pas y aller par quatre traversées de frontières, «Cold War » est un chef d’œuvre.
Une fois de plus, Pawel Pawlikowski nous livre - avec une maestria qui lui est propre – un film en format 4/3 au noir et blanc qui explore toutes les nuances de gris possibles : de la plus claire à la plus profonde en jouant sur les contrastes marqués mais aussi une luminosité diaphane.
Chaque cadrage est soigné au plus haut point, qu’il soit fixe ou en traveling, rien n’est laissé au hasard, preuve en est l’utilisation des miroirs où bien souvent, le plus important se situe dans la réflexion.
D’emblée, nous avons le sentiment de regarder un grand et beau film classique, épuré et minimaliste, des années 50. Ça n’est d’ailleurs pas la minutieuse reconstitution historique qui contredira le propos. Le prix de la Mise en Scène à Cannes est amplement justifié, un tel niveau est à la fois rare et d’autant plus savoureux.
Si le visuel est sans reproche, fort heureusement, le jeu d’acteurs l’est aussi.
Que ça soit Joanna Kulig en femme fatale, capable de vous embraser à la folie comme dans un sauna surchauffé puis de vous refroidir tel un bain dans un lac gelé, ou bien le dandy nonchalant et patient incarné par Tomasz Kot, en passant par les seconds rôles tous parfaits, le casting ne souffre d’aucun reproche et aurait même mérité des prix d’interprétation.
Le cœur du film (c’est le cas de le dire) se cristallise autour de la relation houleuse entre Zula et Wiktor (inspiré par les parents du réalisateur), durant la guerre froide.
L’oppositions des caractères qui les mènent dans des pays différents (lui en exil, elle en tournée avec l’ensemble folklorique Mazowsze qui utilise l’art comme outil de propagande) permet de brosser rapidement les horreurs du communisme qui semblent bien loin du Paris bohème des années 50.
Si le film parvient à faire de nombreuses ellipses sans jamais faillir à la partition, c’est certainement parce que la musique est un élément majeur qui est omniprésent tout au long du film. Les chassés-croisés des deux côtés du rideau de fer se font sur fond de Jazz (musique alors interdite à l’Est) et de chants traditionnels déjà datés. Cette division musicale et d’autant plus touchante quand le couple se retrouve à Paris et compose un morceau de musique mélancolique empreint de culpabilité. Sentiments qui uniront et diviseront un couple dont la pureté et l’intensité des émotions est en parfaite opposition au système Polonais qui tente de broyer tout émoi.
Une histoire d’amour à la fois atypique et commune, portée par un élan salvateur et destructeur, qui évite des poncifs du genre et qui offre une note finale absolument magnifique.