Soulignons d'abord le défi qu'a relevé Paweł Pawlikowski de réaliser un film d'auteur en moins d'une heure trente. Malgré la lenteur, volontaire bien sûr, de certaines scènes, le spectateur ne s'ennuie jamais. Toutefois, à vouloir réduire l'histoire à son essence, au moyen de force ellipses, en dispersant les lieux de l'action, il nuit parfois à l'unité du récit, à la cohérence du propos.


Bien que l'histoire d'amour au centre du récit baigne dans une suave mélancolie, tendre et sauvage, passionnelle en fait, Paweł Pawlikowski opte finalement pour la forme du mélo, surprenant ainsi le public (et peut-être lui-même aussi), ne craignant pas de clore sur une touche pathétique gênante et plutôt amère qui aurait pu être évité.


Néanmoins, le style de Paweł Pawlikowski est bien plus complexe. En effet, quelques pointes d'humour (noir surtout) viennent se glisser, et surtout une réflexion sur l'influence du collectif sur l'individuel, plus précisément l'immiscion de l'Histoire dans l'histoire, qui enrichit son point de vue tragique en le justifiant par le rôle de l'Histoire, de la politique, de la société de l'époque ayant fatalement conduit à l'inexorable perte. En fait, comme le souligne l'une des premiers scènes, Paweł Pawlikowski traite, en bon tarkovskien, de la lutte entre le désir de verticalité (l'amour absolu, la fusion impossible) et l'écrasement par l'horizontalité (la guerre, les pressions sociales et politiques).


Par ailleurs, la première partie contient une sincère poésie sur un temps lointain dont Paweł Pawlikowski veut aussi garder la mémoire, sur la musique (jazz) dans la deuxième partie, sur la ville (Paris remarquablement photographié) et bien sûr sur l'amour personnifié par ce couple destructeur (voir le symbolisme de l'église détruite, sans toit, sorte de panthéon où sont glorifiées les amours mortes), le tout bien sûr magnifié par un sublime noir et blanc comme très peu savent le faire.


En résumé, c'est avec une certaine déception que nous constatons le parti pris formel de Paweł Pawlikowski qui flirte avec le mélo, car nous attendons impatiemment de ce très bon cinéaste un film majeur (au-delà du déjà très bon Ida ou du correct my summer of love) référence pouvant tout rafler, les meilleurs prix comme les critiques les plus exigeants.

Marlon_B
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le 8 nov. 2018

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