Voici, pèle-mêle, quelques réflexions sur le film : un jeu d'acteurs moyen, des costumes sympas et une époque finalement assez peu représentée dans le cinéma, des scènes "émotion" mal calibrées avec une musique peu adaptée. On peut noter que les scénaristes ne s'attardent pas trop sur les orientations sexuelles des personnages, car il ne s'agit pas du cœur du film, et c'est une banalisation bienvenue.
Mais c'est, surtout, un excellent biopic ! Les créateurs du film ont réussi à trouver un personnage avec un fil rouge facile à suivre, sans devoir artificiellement créer une intrigue et une tension tout au long de la vie du personnage, principale difficulté d'un biopic. La période de la vie de l'héroïne est parfaitement choisie : on se concentre sur la façon dont un être humain devient un symbole, sur comment il se construit avant de devenir plus qu'il n'est.
Colette, c'est ainsi un portrait fidèle d'une femme avec une vision plus large que le rôle que son époque lui donnait, qui a pu trouver tout de même un espace d'expression. Elle n'avait pas l'ambition de s'extraire du patriarcat de sa société, juste des convictions et un talent pour l'écriture peu courant. Pourquoi ne pas se rebeller ? Car elle obtient petit à petit une forme d'indépendance, d'abord en devenant la femme parfaite de l'époque, urbaine et bien mariée, puis en obtenant un espace d'expression créatrice, et enfin une indépendance plus physique : sa maison, ses relations, son nom dans les vitrines de librairies.
A mon sens, elle n'a pas d'ambition dévorante, elle ne se pose pas volontairement en précurseur du féminisme. Elle va plutôt de petites victoires en petites victoires en suivant son talent et ses opinions, qui l'amènent à parler de sujets qui touchent beaucoup de femmes de son époque. En écrivant ses histoires elle crée un mouvement plus grand qu'elle, qui lancera plus tard une émancipation qu'elle n'a pas voulu pour elle-même. Son inexpérience des codes de son époque se transforme sous nos yeux en conviction profonde qu'elle peut faire plus.
Loin de la penser naïve, elle reste pour moi quelqu'un qui pose les bases d'une réflexion : des mots qui vont plus loin que ses propres actes, en laissant la cohérence aux acteurs de la lutte, qui viendront plus tard.
Sur tous ces points je trouve l'écriture très juste. Là où un autre film aurait forcé des débats postérieurs dans l'intrigue, celui-ci garde une distance bienvenue, pour nous montrer ce à quoi l'étincelle d'un mouvement peut ressembler : une fiction, des personnages auxquels on peut s'assimiler. Les auteurs de ces symboles les voient grandir hors d'eux, plus loin que ce qu'ils avaient imaginés. Un mouvement est né.