Fin du 19e Siècle.Gabrielle-Sidonie Colette,jeune campagnarde bourguignonne, tombe amoureuse d'Henry Gauthier-Villars,dit Willy,un ami de sa famille de 14 ans son aîné.Elle est subjuguée par ce mondain parisien brillant,écrivain et journaliste réputé,au point de l'épouser et de s'installer avec lui dans la capitale.Mais elle va vite s'apercevoir que son mari est surtout le roi de l'esbroufe,un beau parleur manipulateur et salonnard,un jouisseur accro aux femmes,à l'alcool et au jeu qui s'avère aussi être artistiquement un imposteur incapable d'écrire et utilisant des auteurs appointés pour rédiger les livres et les articles qu'il signe.Certes il donne des indications,fixe la ligne générale des textes,mais la mise en forme finale est confiée à ses nègres.Son mode de vie dispendieux l'acculant à la ruine,il va trouver la providence en la personne de sa jeune épouse chez qui se manifeste un prodigieux don pour l'écriture.Il la force alors à pondre des bouquins,ce sera la fameuse série des "Claudine" inspirée de la vie réelle de Gabrielle,que Willy fera éditer en signant les bouquins de son nom,sa femme devenant en quelque sorte sa "négresse".Ce biopic d'une romancière autrefois célèbre mais plutôt oubliée de nos jours est une production anglaise réalisée par Wash Westmoreland,qui a débuté sa carrière en shootant des pornos gay et coécrit le scénario avec son mari Richard Glatzer,qui était aussi son coréalisateur et l'aurait sans doute encore été ici s'il n'était décédé en 2015,juste après la sortie de "Still Alice",leur dernier film en commun.D'ailleurs "Colette" est dédié à Glatzer.Il est curieux que le personnage de l'écrivain,bien français,n'inspire que des biographies anglo-saxonnes.C'est seulement la deuxième fois qu'on se penche sur l'existence de la romancière,la première étant le "Devenir Colette" de Danny Huston,le fils de John devenu depuis acteur,sorti en 91 et resté dans les mémoires à cause des maltraitances infligées par Klaus Maria Brandauer,qui jouait Willy,à notre Mathilda May nationale.Cette nouvelle version s'inscrit dans la tradition british de la reconstitution d'époque appliquée mais figée et un poil ennuyeuse.C'est lent et compassé,la narration est incertaine et pas toujours claire au fil des nombreuses ellipses,et c'est très décoratif entre redingotes,crinolines,chapeaux élégants,cols....Claudine,meubles anciens,fiacres et monocycles.On parvient cependant à suivre l'évolution de cet étrange couple fonctionnant sur l'amour et les jeux de domination,avec l'éclosion progressive d'une des premières figures fortes du féminisme.D'autant,et c'est sans doute ce qui a intéressé l'homo Westmoreland,que Colette a rapidement eu la révélation de sa bisexualité,encouragée par son mari infidèle préférant qu'elle le trompe avec des femmes,tous deux allant durant quelques temps jusqu'à partager la même maîtresse.Tout ça se déroule dans un Paris pré-guerre de 14,fêtard et insouciant,favorisant l'émergence de la libéralisation des moeurs et la libération de la femme,en même temps que se multipliaient les progrès techniques avec l'arrivée de l'électricité,du téléphone,de l'automobile,de la photo,du cinéma,ainsi que l'érection de la Tour Eiffel.Les années passant et Colette s'émancipant de plus en plus,son mariage donnera des signes de fatigue,d'autant qu'elle en a marre de voir Willy récolter les lauriers pour les livres qu'elle écrit,et une ultime trahison du bonhomme scellera la fin de leur relation.Entre-temps,ils auront amassé et dilapidé des fortunes,accumulé les conquêtes sentimentales et sexuelles et inventé le marketing littéraire,la série des "Claudine" étant déclinée sous forme de pièces,de films,de divers produits dérivés,tandis que toutes les femmes de l'époque s'habillaient comme l'héroïne de Colette,laquelle délaissera l'écriture pour devenir actrice de théâtre.Keira Knightley,fine et décidée,exprime très bien ce mélange de soumission et de rébellion caractérisant Gabrielle,et Dominic West est parfaitement crédible en bonimenteur sans scrupule mais au fond faible, désemparé et dépourvu de la force d'âme de sa compagne.D'une bande de seconds rôles peu connus mais efficaces se détache Eleanor Tomlinson,jolie incarnation de la romancière américaine Georgie Raoul-Duval,une sacrée coquine mariée mais se tapant à la fois Colette et Willy.