Lena, hôtesse de l’air, et Daniel, photographe allemand installé au Chili depuis plusieurs mois et militant pro-Allende, vivent une idylle dont on ne saura pas grand-chose sinon qu’elle est passionnée. Au point que, lorsque Daniel est capturé par les milices de Pinochet au lendemain du coup d’état, Lena se lance à la recherche de son amant. Elle se jette alors corps et âme dans la gueule du loup dans l’espoir de le retrouver et rejoint la Colonie Dignidad.
La « colonie de la dignité » n’en est bien évidemment pas une, si bien que son nom rappelle l’hypocrisie de l’inscription « Arbeit macht frei » (le travail rend libre) du portail du camp d’Auschwitz. Sorte de secte cruelle qui, sous prétexte de conduire ses disciples vers Dieu, les condamne à une vie de labeur confinant à l’exploitation. Le film n’est alors que le témoin de traitements tous plus malsains et violents les uns que les autres. Et même si on ne peut que compatir devant ces scènes, on peine à trouver son véritable propos.
Emma Watson et Daniel Brühl sont convaincants, mais on aimerait voir ce dernier dans d’autres rôles que celui de l’opposant politique vaillant et courageux, qui nous rappelle un peu, surtout lors de la scène de l’arrestation, le très joli Good Bye Lenin qui l’a fait connaître. Michael Nyqvist, qui campe le leader de la secte, est quant à lui parfait dans son rôle de gourou violent et cruel, jamais avare de propos dégradants envers les femmes, sans cesse insultées et maltraitées par le « Conseil des hommes ». Mais les acteurs ne parviennent pas à compenser le manque de profondeur du scénario, notamment en ce qui concerne le contexte politique de l’époque.
La question principale devient alors « vont-ils s’en sortir ? », traitée à grand renfort de scènes qui ne manquent certes pas de suspense mais font ressortir la vacuité du reste et le nombre de questionnements complétement éludés : on comprend que la « colonie » existait déjà avant Pinochet, mais à qui/quoi servait-elle alors? Cela s’est-il empiré sous la dictature ? Ses membres sont-ils tous entrés par la force ou certains sont-ils venus volontairement pour se retrouver ensuite pris au piège ? Sans avoir à nécessairement apporter toutes les réponses, un début d’éléments aurait été appréciable.
Colonia fait partie de ces films qui ont le mérite de porter à la connaissance du grand public un pan de l’histoire relativement méconnu, mais qui laissent un goût d’inachevé au spectateur, lorsque celui-ci se rabat sur une encyclopédie en ligne à la sortie de la salle pour compenser toutes les lacunes politiques et historiques qu’il comporte.