Qu'est-ce qu'un millionnaire ? Un milliardaire qui vient de payer ses impôts ! Qu'est-ce qu'un film nunuche ? Celui-là !
L'argent ne fait pas le bonheur ?
Mon œil !
Ce film consternant avait (en 1953 il est vrai !) attiré 1 381 809 spectateurs en France l'année de sa sortie, (ne lui permettant d'ailleurs pas de figurer au Box Office,. La "barre" était fixée alors à deux millions d'entrées, chiffre qu'avaient atteint 45 films) mais la rentabilité mondiale fut néanmoins de 984%. !...
Pour situer ce film dans son contexte, rappelons nous qu'à cette époque, la plupart des femmes étaient "mères au foyer" comme on disait alors, et n'accédaient qu'en petit nombre aux études secondaires. Le confort futur des jeunes filles à marier nubiles ne dépendait donc essentiellement du choix qu'elles feraient de leur futur mari. et surtout de son salaire..
La vie à l'époque selon les analystes, était d'ailleurs bien plus agréable car les mamans pouvaient s'occuper de leur progéniture sans être obligés de la caser dans des structures spéciales, leur éducation n'en était que meilleure.
"Tenir" un ménage n'était du reste ni réducteur ni dévalorisant, et le stress familial ambiant n'existait pas. D'autant que le mari avait déjà regardé le journal au travail....
D'où une démographie qui ne régressait pas comme de nos jours ! Mais comme disait Kipling, c'est une autre histoire ! Celle du passé recomposé.
Voici donc trois jeunes donzelles nubiles et mannequins s'essayant à la course à l’échalote, ou plutôt au prince charmant friqué ! Quand on apprend que de nos jours, ceux qui sont millionnaires sont en majorité âgés de soixante à quatre vingt-ans, bon amusement mesdemoiselles !
Mesdemoiselles ?... Voire : si lors du tournage de cette aventure niveau Mat'Sup (... maternelle) la belle Marilyn n'a que 26 ans et cumule déjà 21 films, Lauren Bacall en a 29 et Betty Grable 37 !
Ca ne sent pas encore le sapin ni la ménopause, mais on commence à s'intéresser côté musée Grévin !
Bref la belle amoureuse de feu J.F. Kennedy n'a pas à craindre de la concurrence !
Le battage médiatique fait autour de cette histoire ridicule (enfin de nos jours) propre à séduire les goûts amoureux des femmes américaines au foyer fut donc la seule motivation probable des spectateurs et surtout spectateuses. (néologisme voulu !)
C'est surtout le premier film enregistré en Cinémascope, même si "la Tunique " est sortie avant et a bénéficié de l'effet nouveau...
D'ailleurs, c'est ce qu'il y avait de plus grand sur l'affiche : on n'attire pas les mouches avec du vinaigre... Certes, le procédé était novateur en affichant un écran démentiel pour l'épque! Est-ce que ce fut-rentable ? Comme la 3 D ?
Seules les salles à forte fréquentation purent investir dans les travaux nécessaires à l'élargissement des écrans, augmentant de fait leur attrait ,mais condamnant un peu plus à la fermeture les petites salles intimistes de quartier, lesquelles ne pouvant démolir le mur des voisins pour s'agrandir !
En outre, la pellicule était plus chère et ces enregistrements imposaient de nouveaux matériels... Enfin, le procédé excluait tout zoom ce qui aurait conduit à une affreuse image déformée...
Pour couronner le tout, lorsqu'on occupait les places latérales des salles, et pas seulement pour flirter mais pour voir l'intrigue, on avait le sentiment de tout voir déformé.
Mais c'était nouveau ! D'autant que le cinémascope offrait souvent la stéréophonie : procédé artificiel d'enregistrement recréant l'ambiance sonore réelles et en relief des salles à l'aide d'un canal gauche et un autre droit.... Elle allait donner naissance à la hi-fi (High Fidelity) terme galvaudé de nos jours : même les revues techniques auto parlent de "hi-fi" en voiture alors que le métal, les vitres et les moquettes dont sont tapissés les voitures sont parmi les plus mauvais réflecteurs de sons...
Le début du film nous inflige du reste la longue punition d'une musique ringarde enregistrée par un orchestre symphonique dont les quatre pistes d'enregistrement devaient faire retentir dans les cinémas équipés, une musique quasi aussi réelle que dans un auditorium dédié...
Le même orchestre récidive du reste lors du générique de fin : vous voyez, j'ai résisté quatre-vingt-quinze minutes : certains autres critiques ne supportent pas toujours de voir ça jusqu'à la fin !
Plus tard, l'audio s'essaya à la quadriphonie sans beaucoup de succès financier... Ne parlons pas des walkman, c'est une autre histoire.
Scénario nul, casting d'à peu-près, trucages d'un autre âge, artifices bêtas (les wagons du train renumérotés à la va-vite avant d'être ferraillés) musique infecte... tout était misé sur le gadget "cinémascope"...
Le roumain de naissance régularisé américain Negulesco, (Ioan Negulescu en réalité) (1900-1993) était-il satisfait de sa vilaine farce innovatrice ? Peu importe : comme nombre de réalisateurs de son époque, il était robotisé, calibré pour faire des films : trente-sept de 1936 à 1970 sans œuvre marquante ayant traversé les années... Bien peu se souviennent de lui...
Ce film américain est comme les fast-food qui allaient déferler bien plus tard sur notre contient : on vous sert de la malbouffe en quantité mais peu importe ce qu'il y a dedans !
Attention à l'indigestion !
Arte le 29.01.2024- 11.02.2024-