Companion
6.2
Companion

Film de Drew Hancock (2025)

Un thriller sans âme, perdu entre bavardages et facilités

Lorsque j’ai appris la sortie d’un thriller SF horrifique mettant en scène une relation malsaine entre un robot de compagnie et son propriétaire, j’ai été positivement intrigué. J’aime les films de genre et j’ai plutôt apprécié la série Black Mirror, dont on perçoit aisément l’influence sur Companion. Par ailleurs, le développement des IA conversationnelles ces derniers mois rend cette thématique particulièrement actuelle. J’ai donc réservé ma place dès la première semaine de sortie, plein d’a priori positifs. Ma déception n’en a été que plus grande.

Pour traiter le sujet des relations entre humains et IA, Drew Hancock, que je ne connaissais pas, nous raconte l’histoire de Josh, un trentenaire qui s’offre un robot de compagnie nommé Iris, programmée pour être éperdument amoureuse de son propriétaire sans savoir qu’elle n’est pas humaine. Un jour, Josh décide de reprogrammer Iris pour la pousser à tuer quelqu’un et ainsi récupérer une grosse somme d’argent. Évidemment, la reprogrammation dégénère en une tuerie sanglante et incontrôlée.

D’un point de vue esthétique, le film est plutôt bien pensé. Une grande partie de l’intrigue se déroule dans une maison de vacances isolée, offrant un décor épuré qui contraste avec l’aspect sanguinolent du film. Certaines séquences sont même visuellement intéressantes, avec du sang rouge vif étalé sur les corps des victimes entre les murs blancs et immaculés d’une villa bourgeoise.

Malgré cet intérêt esthétique, le film souffre d’un excès de bavardage. Toute l’intrigue est explicitée par des dialogues plutôt lourds. Aucun moment n’est consacré à montrer les déceptions amoureuses, les doutes, les incertitudes ou la remise en question d’Iris sur son identité profonde. Tout est dit, expliqué, mais jamais montré. Les règles qui régissent les robots sont exposées de façon littérale, de A à Z, dans une scène explicative unilatérale, sans interaction. Le spectateur assiste ainsi à une succession de séquences dont le seul but est de faire avancer le scénario, sans réelle construction dramatique.

Companion semble souffrir d’un défaut propre aux films conçus pour être regardés sur des plateformes : il s’adresse à un public qui regarde avec un téléphone à la main et qui a besoin qu’on lui rappelle continuellement les enjeux, au cas où il serait en train d’envoyer un SMS… ou de discuter avec ChatGPT.

Je reconnais volontiers qu’il existe des films conçus pour les plateformes qui, bien que cinématographiquement pauvres, bénéficient d’un scénario bien construit. Ce n’est pas le cas de Companion, dont l’écriture est son principal défaut.

Un récit explorant les relations entre robots et humains doit s’appuyer sur les règles qui régissent les IA dans son univers diégétique, en construisant une intrigue et des personnages qui en découlent. Ce qui fait l’intérêt de ces œuvres, c’est l’utilisation de ces contraintes scénaristiques pour surprendre et faire réfléchir le spectateur.

Dans Companion, rien de tout cela. On comprend rapidement qu’il est possible de modifier les réglages, et il suffira à Iris de voler le téléphone de Josh pour s’auto-contrôler. Le film alterne entre des réactions absurdes, justifiées tantôt par les limites de la robotique, tantôt par les comportements humains, selon ce qui arrange le réalisateur pour faire avancer son intrigue. Le comble arrive à la fin du film, lorsque Iris récupère le contrôle total parce que… un personnage secondaire, apparu une minute plus tôt, décide d’appuyer sur un bouton magique pour la transformer en humaine.

Pourtant, les réflexions sur les règles qui régissent les relations entre IA et humains ne sont pas nouvelles et n’ont pas attendu que l’IA prenne une place dans nos vies pour être abordées par la littérature et le cinéma. Companion s’inscrit donc dans une thématique actuelle mais s’expose aussi à une comparaison sévère avec des monuments du genre : le cycle des robots d’Asimov, Blade Runner (et le roman dont il s’inspire de Philip K. Dick), Ex Machina, A.I. Artificial Intelligence… Le film de Drew Hancock souffre cruellement de la comparaison. Non seulement il n’apporte rien au genre, mais il tombe dans des pièges que l’on pardonnerait difficilement à une copie de lycéen sur le sujet.

En bref, Companion est un film sans grand intérêt, mal écrit, n’offrant aucune réflexion pertinente sur l’IA, et qui aurait mieux fait de sortir directement sur les plateformes. Il a néanmoins le mérite d’offrir un rôle à l’excellente Sophie Thatcher, récemment vue dans Heretic, qui parvient, malgré un traitement maladroit, à exprimer un fragile équilibre entre humanité et intelligence artificielle.

Limoustache
4
Écrit par

Créée

le 5 févr. 2025

Critique lue 39 fois

Limoustache

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