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Si l’expression « inspiré de faits réels » au cinéma est devenue un peu galvaudée de par son utilisation massive, elle prend dans Compliance tout son sens tant on a du mal à croire qu’un simple coup de fil venant d’un manipulateur détraqué puisse aboutir à tant d’humiliations. Et pourtant un homme aux Etats Unis a appelé entre 1992 et 2004 plus de 70 superettes ou fast food. Se faisant passer pour un policier, il accusait des employées de vol, ce qui a abouti dans certains cas à des fouilles au corps et à des abus sexuels. Il s’avère que l’un des appels qui a mal tourné a été repris tel quel par Craig Zobel dans Compliance.
Le réalisateur et l’acteur Pat Healy n’ont donc pas lésiné sur les moyens pour rendre le manipulateur le plus convaincant possible. Avec une voix ferme et un ton à la fois autoritaire et conciliant, Healy parvient tout au long du film à incarner l’autorité supposée d’un lieutenant de police.
C’est grâce à son pouvoir de persuasion que le pseudo policier fait croire aux collègues de Becky que celle ci a volé de l’argent à une cliente.

Devant cette situation inédite, les employés du fast food auront deux types de réactions qui confineront dans les 2 cas Becky à l’isolement et au dénuement (c’est le cas de le dire…) :
- L’indifférence pour les premiers qui ne souhaitent en aucun cas être mêlés à une affaire policière,
- le dévouement et l’obéissance aveugle pour les autres. La gérante Sandra est à ce titre un personnage ambigu, qui pense agir pour le bien de Becky en se soumettant aux ordres du faux policier.
C’est ainsi la gérante qui va imposer dans un premier temps une fouille au corps à Becky et la conduire ensuite dans un cercle vicieux dont personne ne sortira indemne.

Vous l’auriez sans doute compris en lisant le synopsis et le début de la critique, Craig Zobel nous propose un film anxiogène et oppressant, ou la lente agonie de Becky est entrecoupée par des plans désolés de clients qui évidemment ne se doutent de rien, de parkings, de chariots ou des frites en train de cuire. On assiste à la fois impuissant et atterré à une succession d’humiliations rendue possible par la passivité de Becky.
Comment des personnes a priori pas plus idiotes que la moyenne arrivent à sombrer dans une telle bêtise ? Grâce à la justesse du jeu des acteurs, et une approche documentaire, Zobel met en valeur la déférence quasi systématique à l’autorité, peut être accentuée ici par l’obsession sécuritaire post 11 septembre.
Il parvient aussi à montrer à quel point les sens peuvent être altérés dans ce genre de situation. Stressée, apeurée et tenue par les contraintes d’un fast food aux heures de pointe ; la gérante ne parvient à aucun moment à percevoir la détresse et les supplications de Becky.

Mais le grand défaut du film est selon moi le traitement (ou plutôt l’absence de traitement) des conséquences de ce fait divers, qui pose en effet pas mal de questions intéressantes.
La gérante est elle une des victimes du manipulateur, ou la responsable du calvaire de Becky ? Quelle est la responsabilité des autres employés qui ne sont pas intervenus et de la chaine de restauration rapide ? Comment peut on interpréter la passivité de Becky tout au long de son calvaire ?
Ces questions ont été traité dans le procès qui a suivi ce fait divers sordide mais pas dans l'oeuvre de Zobel.
Reste que Compliance appartient à la liste restreinte des films qui ne s’oublient pas dans le mois qui suit le visionnage. Les dernières répliques sont à l’image du film : glaçantes, dérangeantes mais nécessaires pour montrer a quelle vitesse l’être humain peut perdre sa dignité.
Caracole
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le 30 sept. 2012

Modifiée

le 30 sept. 2012

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Caracole

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