Le Pape est mort. Le cardinal Lawrence est donc chargé contre son gré de réunir et organiser le prochain conclave dans le but d'élire le nouveau souverain pontife.
Environ 120 cardinaux candidats des quatre coins du monde sont ainsi réunis dans une pièce fermée à clef (con cum, clave clé). Ils n'en sortiront qu'après avoir trouvé le représentant idéal qui aura recueilli les deux tiers des votes. Cela peut prendre plusieurs jours, exiger plusieurs votes quotidiens jusqu'à ce qu'enfin la fumée blanche puisse s'échapper de la cheminée de la Chapelle Sixtine et avertir plus d'un milliard de fidèles impatients qu'ils ont un nouveau souverain. En attendant ce moment, tous les cardinaux sont confinés avec interdiction de communiquer avec l'extérieur. Entre deux scrutins, cette élection est loin d'être un moment chaleureux et bienveillant et a tout d'une foire d'empoigne politique où tous les coups, machinations, révélations, manipulations sont permis. Et où l'on constate que là-bas aussi dans les arcanes de la chrétienté on en est parfois réduits à voter pour le moins pire ou faire barrage au pire (si vous voyez ce que je veux dire).
Le film est l’adaptation du thriller éponyme de Robert Harris paru en 2016, et si le réalisateur (dont j'avais vu le beau et triste Jack) n'a pas obtenu les autorisations de tournage au Vatican, il a reconstitué la Chapelle Sixtine et la résidence Sainte-Marthe à Cinecittà. La résidence Sainte-Marthe est l'endroit proche de la Basilique Saint-Pierre où résident les cardinaux pendant le conclave, des chambres toutes identiques, austères distribuées de façon symétrique le long d'un couloir avec au bout la chambre sous scellés du récent défunt. L'endroit plein de coins, de recoins, d'escaliers est propice aux chuchotements, conversations informelles et autres conspirations dont les plus acharnés des candidats ne se privent pas pour grignoter les voix qu'il leur manque. Parallèlement à cette lutte pour le pouvoir le cardinal Lawrence, à force de persévérance et d'investigation, va découvrir un secret connu du Pape désormais mort.
De ce monde clos et policé émergent quelques figures qui mettent aux prises les plus radicaux et les plus progressistes des candidats et s'ils frôlent la caricature dans leurs extrêmes c'est pour mieux nous réjouir de voir à quel point chaque scrutin est versatile et soumis à l'interprétation des révélations. Ainsi un candidat peut passer en quelques heures de favori à inéligible dans des décors et des costumes absolument éblouissants où tout respire le luxe et l'opulence. Pendant que les vacheries pleuvent avec le plus de bienséance possible à l'intérieur, le monde à l'extérieur continue d'exploser sans épargner le Vatican claquemuré dans sa bulle. Quelques faiblesses, imperfections et bassesses de la chrétienté sont évoquées (nazisme, racisme, pédophilie) et le dénouement réserve un twist déroutant et inattendu. Il fait sourire dans un premier temps et finit par être définitivement réjouissant.
Pour mener les débats dans leur plus stricte impartialité, Lawrence, cardinal à la foi vacillante est aussi peu enclin à devenir pape que l'était Melville (immense Michel Piccoli) dans l'Habemus Papam de Nanni Moretti. Confronté à son rôle fondamental d'enquêteur, Ralph Fiennes porte sur le visage la douceur, la bonté, l'autorité et l'inquiétude. Son interprétation intense mérite tous les éloges. Ses petits camarades de jeu Stanley Tucci, John Lithgow, Sergio Castellitto et Isabella Rossellini ne déméritent pas.
Ce thriller épiscopal déroutant maintient la tension et l'intérêt sans faillir. Accéder ainsi au système des voies impénétrables de l'Eglise m'est apparu fascinant malgré quelques coups de théâtre dont un peut-être un peu too much mais réjouissant, à faire frémir toute la chrétienté... Et vous vous demandez bien sûr si l'on connaît à la fin le nom de l'heureux élu. La réponse est oui. Je me garderai bien de vous le révéler.