Pendant près de deux heures, Conclave passionne et impressionne : une ambiance de thriller assez palpitante (ce qui n'était pas gagné, pour l'athée que je suis, qui s'intéresse autant aux mécanismes de l'élection du pape qu'à ceux d'un moteur de bagnole), de grands acteurs qui tiennent impeccablement leur partition ambiguë, des décors somptueux, une musique savamment dosée qui exacerbe la tension dramatique, et une photographie et une composition de cadre qui touchent par moments au sublime, parvenant par exemple à donner à une réunion dans un vilain théâtre aux sièges bleus des airs de tableau de la Renaissance.
Lorsque le film semble sur le point de se terminer, on comprend le bruissement pour les prochains Oscars.
Puis, dans les cinq dernières minutes, une énième révélation, celle de trop. Soudain, en quelques phrases, l'impression stupéfiante que le film se prend les pieds dans le tapis de l'époque, comme angoissé à l'idée, dans son entreprise morale un peu grossière, de ne pas avoir embrassé absolument tous les sujets de société contemporains. Pendant les toutes toutes dernières minutes du film, il m'a semblé entendre le stagiaire de 3ème qui aurait levé la main en salle d'écriture pour dire aux scénaristes : "Attendez ! Vous alliez sérieusement terminer un film en 2024 sans évoquer la question du genre ? Comment ça, ça serait parfaitement incongru ici ? Euh, hashtag boomer là ! Y a pas à négocier en fait, désormais c'est genre partout, genre !"
J'ai rarement vu un film craquer à ce point si près du bol de sangria ! Après une telle sortie de route, toute maîtrise est perdue, et même le plan final, incompréhensible de banalité, semble errer, dans l'attente qu'on le place à un endroit plus pertinent, voire, plus simplement, qu'on le supprime du montage.
Alors que le puzzle, splendide et captivant, était terminé, une pièce venue d'une autre boîte (toute aussi intéressante ailleurs, mais ici complètement hors sujet) a été rajoutée au marteau, fendillant tout l'ouvrage, sur lequel on jette soudain un regard interloqué et déçu.
A ranger dans la catégorie des films face auxquels on a envie d'agiter les bras en criant "Stop ! Arrête-toi là, et c'est par-fait !", et qui continuent, juste quelques minutes de trop.