Un thriller sur l'enfermement de l'Eglise et des cardinaux sur eux mêmes et sur des enjeux si étroits (le pouvoir) par rapport à l'Humanité (qui devrait être la mission première de l'Eglise).
Ca traite de problématiques éthiques passionnantes tournant autour des différences dans notre monde contemporain (l'Eglise est face à la technologie, l'Islam, l'égalité homme-femme, les cultures à l'échelle mondiale, et à tous les tords qui lui sont reprochés comme la pédophilie), et cette fracture est symbolisée par le fait de fumer qui place de manière efficace ce cadre inhabituel et tendu.
En clair, l'Eglise en pleine période de crise. Le film articule son débat autour d'un affrontement entre la certitude et le doute. C'est très bien écrit (notamment le discours sur l'égalité homme femme qui se déroule avec Lawrenc et Agnes ainsi qu'avec le secret final et la dernière scène du film), les personnages sont tous intéressants et le film esquive très bien les archétypes et attaques faciles vis à vis de l'Eglise de sorte que chaque personnage incarne une vision sans toutefois l'expliciter avec ridicule : on croit tout à fait à chaque personnage.
Et ça, on le doit aussi aux acteurs et actrices : c'est très bien interprété (évidemment Ralph Fiennes est super en homme pris par de nombreux doutes quant à lui-même et sans cesse en pression face à ce qui l'entoure, mais franchement tout le casting est excellent).
On peut reprocher au film son rythme qui a un petit ventre mou, mais c'est si prenant autant dans l'histoire que dans les visuels que ça m'a pas vraiment gêné. Surtout que le film atteint de très gros pics (la séquence entre Tedesco et Benitez par exemple).
Côté mise en scène et travail sonore c'est extrêmement soigné. L'enfermement est reflété par une claustrophobie et une tension constante. La photo du film est splendide, magnifique, non vraiment bravo à Stéphane Fontaine ! Le rouge et le blanc sont mis en évidence, donnant quelque chose de très froid à l'image, tout en jouant sur la lumière/l'obscurité (symbole très important dans le film). Edward Berger ne se contente pas que de plans larges à l'esthétique soignée mettant en relief la froideur et le gigantisme de ces bâtiments vides (avec au milieu ces personnes oppressées par un tel décor), loin de là, il y a beaucoup d'autres idées visuelles et sonores utilisées avec grande précision portant un propos important... tout cela faisant de Conclave une grande réussite.