Faisant d'un conclave l'occasion d'un Watergate de l'Eglise catholique, Edward Berger permet d'aborder le thriller religieux sous un angle différent de celui du complot historique et mystique auquel les spectateurs sont abonnés depuis tant d'années. Il est même impressionnant de voir avec classe et intelligence le réalisateur, bien aidé par son chef opérateur Stéphane Fontaine, parvient à rendre inquiétant et passionnant l'acte le moins public et visuel qu'est le vote, d'autant plus dans le cadre de l'élection ultra secrète et isolée qu'est celle d'un nouveau pape.
Par moments le film s'emballe un peu, et la forme esthétique et rhétorique prend l'aval sur le récit, qui aurait peut-être gagné à être raccourci et à moins chercher le virage constant pour préférer la ligne droite un peu plus directe. Mais malgré son approche légèrement démonstrative, Conclave se dévoile comme un excellent et solide thriller, politique pour le moins.
Car au-delà de ce genre auquel il se réfère régulièrement et dont il use des codes, le réalisateur et son scénariste Peter Straughan (adapté du roman de Robert Harris) semblent préférer les méandres de la crise spirituelle et morale d'un homme droit en proie au doute, interprété avec classe et dignité par un Ralph Fiennes excellent. Rythmé par sa respiration, le film avance à la cadence de ses raisonnements. Et malgré des rebondissements et un final osé (qui finira d'enfoncer le clou d'une nécessaire évolution de l'Eglise et fera bondir plus d'un fidèle) c'est bien cette étude silencieuse d'une faille intime qui touche et emporte l'adhésion.