Dix années ont passé depuis le Rayon vert, Rohmer revient avec un film sur l’été, sa saison préférée, lui qui mieux que nul autre sait mettre en exergue la magnifique lumière, la légèreté voire la frivolité des mois chauds.
Pourtant, lorsque sort sur les écrans ce troisième des contes des quatre saisons, la réputation du cinéaste est légèrement entachée par l’accueil assez peu chaleureux réservé à ses deux précédents opus. D’aucuns l’imaginent volontiers sur le déclin, proche de son crépuscule cinématographique. Certes, pour reprendre la jolie formule de Pierre Etaix, « l’âge de Monsieur est avancé », mais à ceux qui épiloguent sans fin sur son cinéma verbeux, prétentieux, le grand Eric va répondre par pied de nez savoureux.
En ouvrant son film sur un long plan de sept minutes sans dialogue, le cinéaste ne répond pas seulement à une exigence de style. Cette introduction muette permet également d’esquisser les contours de ce que sera le personnage de Gaspard (Melvil Poupaud), à savoir un être solitaire, d’apparence ténébreuse.
La caméra suit ainsi notre homme toute la séquence durant, filmant son arrivée au début de l’été dans la ville de Dinard où il est venu attendre Léna, son « amoureuse » que l’on devine un peu volage.
Il faudra donc attendre la première rencontre du jeune homme avec la jolie Margot, (serveuse et étudiante en anthropologie), pour assister au premier échange verbal, qui dessinera la trame du film. Sans surprise, va débuter entre Gaspard et Margot, un charmant badinage, entre amitié avouée et séduction dissimulée, des échanges sur la fidélité, sur l’incertitude des relations amoureuses. Car Gaspard est indécis, avoue lui-même préférer attendre que le destin décide pour lui, Margot bien loin de l’orienter dans ses choix, lui présentera au contraire une troisième « prétendante », Solène aussi brune que Léna est blonde, aussi avenante que Léna est distante.
Là Rohmer excelle comme à l’habitude à donner une grande sensualité à ses personnages féminins, ingénues faussement naïves que sont Margot (Amanda Langlet –Pauline à la plage-) et la « fille de corsaire » (Gwenaëlle Simon qui provoque de délicieux frissons chez ces messieurs). Melvil Poupaud est une vraie découverte en jeune homme d’abord irrésolu, puis flatté de sa situation, hésitant entre la brune et entreprenante Solène, la lointaine Léna et l’amie Margot dont il se sent si proche. Son personnage s’ouvre peu à peu, découvre la parole, son pouvoir de séduction et même de décision.
Le réalisateur, on le sent, prend plaisir à filmer une fois encore ces jeux de l’amour ces plages paisibles, les baisers, les querelles d’amoureux. Ses films sont bavards, mais la vie aussi, les personnages et les situations qu’il dépeint sont communs, comme nous le sommes. C’est certainement ce qui rend son cinéma si accessible, si proche de la vie des gens ordinaires et au final si réjouissant.