J'emprunte le titre du très beau livre de Serge Joncour pour ma critique de ce film d'Éric Rohmer - le premier que je vois - et qui me semble pertinent.
Encore que d'amour, est - il vraiment question dans ce film de 1996 (dont le grain de l'image et le style m'évoquaient davantage les années 80 d'ailleurs) ? Entre Gaspard et ses trois drôles de dames, on parle. On parle du désir d'être avec quelqu'un, de l'obsession du couple officiel, du choix du partenaire. A aucun moment, je n'ai perçu ni de sentimentalité ni d'intérêt du personnage principal pour les minettes qui gravitent autour de lui. Leur pose-t-il des questions, est il curieux de leur vie ? Jamais. Elles, par contre, toutes, paraissent subjuguées par ce garçon paradoxal - aussi nonchalant que torturé - qui passe son temps à ergoter, à ratiociner péniblement sur les innombrables doutes qui l'habitent.
Alors oui, le cadre est beau, la ville et les plages de Dinard constituent un cadre romantique et élégant, un peu "vieille France", catholique et BCBG, qui est plutôt plaisant et joliment mis en lumière, c'est vrai. Les figures féminines sont bien plus intéressantes et profondes que ce Gaspard qui se contente de se laisser porter par le courant, sans jamais prendre de réelle décision, indéterminé, ne sachant pas véritablement ce qu'il veut et qui, finalement, laisse un peu les autres choisir pour lui tout en se complaisant dans une posture d'incompris que j'ai trouvée bien souvent assez pénible.
Tout le monde cherche finalement l'amour mais, alors que tous les personnages sont dans la pleine fleur de l'âge, que les corps se dévoilent sous le tiède soleil breton, la sensualité des peaux caressées est quasiment absente. Le désir est un sujet qu'on aborde, une thématique intellectuelle sur lequel il convient de disserter mais le vivre, le mettre en pratique, tout cela est bien secondaire - et assez regrettable, selon moi. Pudeur ? Volonté de ne pas se vautrer dans la trivialité de la chair ? Que la jeunesse vaut mieux que ça ? Je n'ai pas perçu clairement le message.
Reste que malgré l'excellente réputation dont jouit ce réalisateur auprès d'une très exigeante population de cinéphiles, je n'ai pas été si touchée. J'apprécie pourtant certaines répliques mais l'ensemble des dialogues m'a semblé beaucoup trop oratoire, de jolis échanges sur la forme mais désincarnés, ne procédant pas du corps ni du coeur - seulement de l'activité du cortex. Alors que chez Desplechin par exemple, la rhétorique sentimentale est à la fois tendre et acide, ici pour moi elle n'est que gnangnan et inutilement geignarde, jamais émouvante.
Et puis, que dire de cette façon de jouer, la récitation monocorde des acteurs, dont le jeu est tout sauf naturel ? Sans doute faut il être plus familier que je ne le suis de l'univers de Rohmer mais franchement ce jeu guindé et récitatif m'a ennuyée au possible.
Demeure la belle Margot, sa peau hâlée, ses tenues estivales joliment suggestives, sensuelles sans être jamais vulgaires - une jeune femme pétillante dont je ne saisis pas l'engouement pour ce type certes beau gosse mais taciturne, embrouillé et sans grande personnalité.
Le folklore breton est assez rigolo bien que légèrement cliché tout de même - on mange forcément des crêpes arrosées de cidre, on se balade pieds nus dans les algues, on chante des chansons de marins... Que de conventions !
Je garde les promenades bucoliques dans les herbes folles baignées de soleil, ces jolies jambes et ces corps qui se cherchent, se contentant malheureusement des mots.
De bien trop de mots.