La présentation de Guzen to sozo à Berlin, cette année, a précédé celle de Drive my Car à Cannes. Le premier film se présente sous forme de triptyque avec des histoires et des personnages différents mais la petit musique du cinéma de Ryusuke Hamaguchi est immédiatement reconnaissable, dans un territoire sentimental qui se situe entre Hong Sang-soo et Rohmer, là où légèreté et gravité semblent danser un pas de deux. Les trois récits de Guzen to sozo (Wheel of fortune and fantasy, en anglais) ont en commun une superbe écriture, une fluidité de mise en scène et un caractère romanesque certain, avec en points d'orgue le hasard, le passage du temps et le jeu, comme dans le dernier volet du film, peut-être le plus subtil de tous. De quoi s'agit-il ? D'un triangle amoureux, d'abord ; d'une manipulation funeste, ensuite ; d'une rencontre fortuite, enfin. Hamaguchi est l'un des rares cinéastes d'aujourd'hui à savoir capter l'insaisissable dans des portraits féminins d'une infinie délicatesse, incarnés il est vrai par des actrices remarquables. Chaque segment du film a son propre attrait, marqué par de longues conversations, souvent en tête à tête, mais la scène la plus stupéfiante appartient au deuxième, sans discussion, avec ce moment où une jeune femme lit à haute voix à un écrivain un extrait érotique du roman que ce dernier a publié. Un passage troublant et ludique dont la conclusion ne sera absolument pas celle qui était attendue.