Avec Contes du hasard et autres fantaisies Ryusuke Hamaguchi s'éloigne en apparence de ce qui l'avait consacré internationalement comme l'un des réalisateurs les plus passionnants du moment avec Drive my Car, et vient lorgner du côté d'Hong Sang Soo (son sens de la petite histoire simple mais traversée de fulgurances fantastiques et d'une réflexion puissante sur les relations humaines) et donc, évidemment, d'Eric Rohmer (ce que les distributeurs français n'auront pas manqué de souligner en explicitant la notion de conte dans la traduction du titre - le titre orignal, littéralement Hasard et imagination, plus mystérieux est peut-être plus fin).
Avec ces trois histoires, aussi différentes que similaires par ce qu'elles travaillent et soulèvent, le cinéaste s'impose à nouveau comme un poète, et par la force de ses scènes rares car longues (le premier conte en cela est une leçon de mise en scène qui en trois moments, dont un traversé par un "twist" inattendu, parvient à boucler tous les enjeux d'une histoire complète), véritablement littéraires, se fait (ce qu'on savait déjà) un immense écrivain autant qu'un grand psychanalyste, creusant avec malice l'Amour, au cœur de tout, les actes manqués, ce qu'on n'a pas sur dire, ce qu'on ne dira jamais, le désir sexuel, qu'il aborde avec une frontalité et un humour qu'on connaît peu chez ses contemporains, et le pouvoir des mots et de la parole, leur laissant toute la place et tout le temps pour se développer dans des petits théâtres de l'intime (un taxi, un bureau la nuit, une maison entourée d'arbres, un bureau de professeur, un appartement d'étudiant), jouant autant la carte de salon de thérapie freudien que de nouvelle tchekhovienne.
Pour notre plus grand bonheur et au prix de notre émotion.