Si je considère Ryusuke Hamaguchi comme un des meilleurs cinéastes en activité (toutes nationalités confondues) c'est probablement car film après film, ses choix de mise en scène et surtout ses scénarios faisant la part belle à l'inattendu et à la sensibilité de personnages écrits avec beaucoup de finesse et loin d'être de vulgaires stéréotypes m'enchantent.
Après avoir magnifié les vies ordinaires d'un groupe d'amies insatisfaites par leurs existences étriquées et en quête d'un bonheur vital semblant inatteignable dans le film-fleuve "Senses/Happy Hour", puis fait un grand film sur le deuil et la reconstruction de ceux qui restent avec "Drive My Car", Hamaguchi s'essaie désormais à la réalisation de contes et on peut dire que le pari est une nouvelle fois réussi.
Si il est vrai que le cinéaste tombe dès fois dans certaines facilités (Ah ! ce quiproquo entre deux amies et un homme tiraillé entre les deux et l'envie de vengeance de l'une d'elles bien trop évident ; Cette lecture suggestive d'un passage grivois d'un roman par une mère de famille à la libido développée devant son auteur), il parvient tout de même le plus souvent à surprendre le spectateur et à bousculer nos attentes.
Ainsi pour le premier segment, en proposant une fin alternative, le cinéaste s'amuse et nous amuse en offrant deux choix d'histoires radicalement opposées. Qui n'a jamais eu envie d'avoir la capacité d'avoir un réel impact sur la destinée amoureuse de ses proches, en adoptant un comportement plutôt qu'un autre ?
Peut-être que ce n'est pas votre cas mais moi oui !
Quant au second segment, que j'ai trouvé il est vrai plus faible, il met en avant un personnage d'écrivain auréolé d'une renommée récente et surtout le pouvoir des mots. A la fois consolateurs (L'ancienne étudiante retrouve confiance en elle après avoir entendu les remarques de l'auteur qui l'a valorise) mais aussi trompeurs (La même femme qui tout en manipulant cet écrivain avec ses intentions érotiques à travers ces mots pour mieux l'entraîner dans une confession de tout ce qu'il refoule)
Enfin pour le dernier segment, c'est un jeu de rôles espiègle et étonnant de bout en bout avec l'aide de deux superbes actrices qui semblent prendre autant de plaisir à jouer que nous en les regardant.
Et si nos vies étaient interchangeables ? Peut-on finir par accepter son passé et aller de l'avant ?
Deux questions dont ce dernier conte (et à mon sens le plus lumineux) traite en filigrane mais en n'offrant pas une réponse toute faite. Le spectateur devant faire ses propres conclusions.
Alors je concède que visuellement le style est très épuré et manque peut-être un brin d'audace mais j'ai été enchantée par ces histoires somme toutes ordinaires et ravie de m'immiscer l'espace de deux heures (qui semblent filer à la vitesse de l'éclair) dans d'autres vies que la mienne.
Le cinéma en provenance du pays du soleil levant est en grande forme et c'est une très bonne nouvelle.