Dans la lignée des poètes maudits
Le 18 mai 1980, Ian Curtis leader du groupe Joy Division est retrouvé mort à son domicile par son épouse Déborah Curtis. A 23 ans, il a mis fin à ses jours, la veille d'une tournée américaine qui allait propulser le groupe vers un succès international. Fin d'une carrière éphémère. Début de la légende.
Si Joy Division demeure peu connu du grand public, ce groupe a influencé bon nombre d'artistes des années 80, et des groupes actuels comme the Editors, ou les français Poni Hoax.
Il faut dire que leur exploit est considérable: imposer leur identité musicale et offrir une alternative au mouvement punk qui vit son âge d'or.
Inspiré de la biographie "Touching from a distance" de Deborah Curtis, ce film revient sur leur histoire à travers la trajectoire de leur star éphémère. Car ce film aurait tout aussi bien s'appeler "life and death of Ian Curtis leader of Joy Divison".
On y découvre un ado mélancolique, poète prolifique, peu passionné par les études, et rêvant de choses simples: monter sur scène comme ses idoles David "Ziggy Stardust" Bowie et Lou Reed. Epouser la femme qu'il aime et avoir des enfants avec elle. Vivre de ses écrits, et connaître un succès épanouissant en communion avec son public.
En attendant son heure, il gagne sa vie dans une agence pour l'emploi réservée aux personnes handicapées.
Tout commence comme dans un rêve: lors d'un concert des Sex Pistols, il rencontre Bernard Sumner, un guitariste, Peter Hook bassiste qui recherchent activement un chanteur et de bons textes. Puis ils croisent la route d'un manager dévoué et débrouillard en la personne de Rob Gretton. Enfin, ils sont repérés par Tony Wilson patron de Granada TV, une chaîne locale. Ils enchaînent les concerts, parviennent à enregistrer et très vite le succès est au rendez-vous.
Puis viennent les premiers nuages: Ian commence à avoir des crises d'épilepsie qui ne le rendent plus maître de son corps. Il rencontre une autre femme et lui qui croyait en l'amour exclusif se rend compte qu'il n'est plus maître de ses sentiments. Et avec le succès grandissant les exigences de son public sont telles qu'il n'est plus maître de sa vie.
Le titre du film prend tout son sens. Il renvoie à la fois au morceau « she's lost control » figurant sur le premier album du groupe, et à la perte de contrôle de Ian dans tous les domaines de son existence. Perte de contrôle qui va précipiter sa chute....
On peut ne pas aimer le style musical de Joy division: très sombre, leur son traduit l'ambiance sinistre et déprimante de leur banlieue, et transpire tout le mal être de leur leader.
En revanche, l'histoire de cet artiste, est susceptible de toucher un plus large public. Ian fait partie de la lignée de ces poètes maudits. Son grand malheur: être né bipolaire à une époque où la médecine manquait d'arguments pour identifier et soigner les pathologies mentales. Sa vie, à mesure que ses souhaits ont été exaucés semble se consumer comme une peau de chagrin.
Son histoire contient tous les ingrédients des grandes tragédies. Et Anton Corbjin a su en tirer le meilleur pour nous offrir un film d'une rare beauté. Photographe réputé, il est connu pour avoir façonné l'identité visuelle de groupe comme U2 ou Dépêche Mode (il a notamment réalisé les clips: « enjoy the silence » et « One ») Il a en plus l'avantage d'avoir côtoyé Ian de son vivant et les membres du groupe.
Et on le ressent dans le film, son ton intimiste, la sincérité palpable qui s'en dégage, le tout servi par un casting impeccable (mention spéciale pour Sam Riley lui même chanteur, et dont la ressemblance avec Ian Curtis est bluffante).
Il redonne une dimension légendaire à ce qui aurait pu rester le sombre fait divers d'un artiste perturbé.
Le 18 mai 1980, Ian Curtis se pend dans sa cuisine. Des cendres de Joy division naît le groupe New Order. Et les bases du mouvement New wave sont posées.
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