Quelle idée de regarder ce film un soir d'hiver, seule dans le noir dans le compartiment de train qui me sert de chambre à la clinique psychiatrique où j'effectue mon stage, seule dans le bâtiment à cinq minutes des chambres des résidents psychotiques car les autres stagiaires rentrent chez eux le week end, seule avec les chats qui miaulent de manière inquiétante et les chouettes qui ululent dans les bois environnants.
Sous les apparences d'un obsessionnel très chrétien, Harry et le jazz qui l'accompagne pendant le film grimpent à un niveau de terreur paranoïaque qui prend d'autant plus d'ampleur dans le contexte dans lequel je me trouve actuellement.
Je tremble mais je ne sais pas si c'est le froid.
Le film tient du génie : le montage sonore et visuel - surtout au début - est foutrement original, la caméra suit un mime au milieu d'une foule mais ce n'est pas lui qui nous intéresse, c'est le monsieur à l'imperméable improbable (je n'ai pas compris ce manteau) qui est suivi par le mime que suit la caméra maintenant mais ce même monsieur profile un couple : est-ce donc eux qui vont être le sujet de l'intrigue de l'histoire ? Non, la caméra revient sur l'homme à l'imper.
L'homme à l'imper, Harry, rentre chez lui : les trois serrures que barricadent sa porte d'entrée annonce la couleur du personnage, comme les nombreux détails qui vont suivre tout au long du film : quelqu'un portant en lui une tristesse profonde qu'il ne peut exprimer que dans ses rêves et une peur terrible d'être l'arroseur arrosé, l'écouteur écouté.
Poursuite d'une femme à deux visages qui l'a quitté ou qu'il a quitté, espoir de sauver un couple - lequel ? - et abandon de sa foi dans la folie (est-ce la Vierge Marie qui est la traître ?), je tremble aussi d'empathie mélancolique pour Harry.