Westward the Women est un western qui pourrait être considéré comme l’œuvre duale de La Piste des géants (réalisé deux décennies plus tôt par Raoul Walsh), une sorte d’exploration de l’Ouest américain revisitée, dans une version que l'on serait tenté de qualifier de féministe (même si le terme ne devait pas avoir la même teneur à l'époque), se plaisant à manier les clichés du genre pour mieux les détourner. Sans nécessairement adhérer à l’ensemble de manière unilatérale, on peut toutefois trouver surprenant qu'un tel western ne dispose pas d’une visibilité autrement plus conséquente.
Convoi de femmes est en tous cas un excellent point de vue sur la conquête de l'Ouest, au milieu du 19ème siècle. Ou, plus précisément, sur le deuxième temps de cette conquête : le convoi du titre, composé de 138 femmes et de quelques hommes pour les guider (en théorie), est envoyé depuis Chicago en direction de la Californie pour féminiser cet Ouest resté jusque-là très masculin, rendant difficile la fondation de foyers et la colonisation, naturellement. La première scène sur laquelle le film s'ouvre brutalement observe précisément le recrutement de ces femmes, par des hommes, un peu comme on sélectionnerait du bétail : on les juge sur des critères bien particuliers, presque eugénistes, à la lumière de leur capacité à remplir la mission fécondatrice qui leur sera confiée. La description du monde essentiellement masculin, empreint d’un machisme évident, laisse penser que le film va s'engager dans une direction très bien connue, celle des westerns dits classiques des années 30 à 50. Mais l'évocation de ces clichés ne constituera qu’un point d’entrée et non une ligne directrice, autant de poncifs qui n’appellent qu’à être brisés dans la suite des événements.
En réalité, les hommes du convoi auront tôt fait de se défausser, une fois le périple initié et les premières difficultés rencontrées, laissant les femmes prendre en charge la gestion de l’aventure. Devant la tournure des événements, Robert Taylor (pas des plus charismatiques il faut l’avouer, renforçant ainsi un contraste à l’avantage du propos du film) observera dans un premier temps une certaine circonspection, avant de se résoudre à embrasser le mouvement, convaincu par une telle abnégation. Mais les femmes restent des femmes, semble nous dire le film, elles n’ont aucunement besoin d’épouser les caractéristiques classiques de l’homme de l’époque pour mener à bien leur mission : elles sont coquettes, coriaces, un peu hystériques par moments, tout en faisant preuve d'un grand courage et d'une grande solidarité. Ces clichés sont évidemment à replacer dans le contexte de leur époque, et le portrait de groupe recèle une force et une originalité tout à fait remarquables dans ce cadre-là. Toutes les caricatures ne sont pas évitées, pas plus que certains aspects poussifs (la mort de l'enfant, notamment, aux accents dramatiques attendus), mais la progression constante de l'estime pour les femmes ainsi que pour les étrangers, à travers le personnage japonais initialement moqué et dévalorisé par sa taille et son inexpérience supposée, est remarquable. C’est la définition même du retournement du cliché.
À côté de ces considérations morales, il y a aussi un véritable intérêt dans la dimension purement narrative et descriptive du voyage et de ses péripéties. Les dangers jalonnent le périple chez Wellman comme chez Walsh : des pluies torrentielles emportant les chariots installés trop près de la rivière, une attaque d'Indiens confinée dans la bande son, des épisodes de sécheresse et même un accouchement nécessitant l’aide de toutes pour maintenir une charrette brinquebalante. Le passage le plus éprouvant est sans doute celui de la descente d'un ravin vertigineux, avec un palan et de nombreuses cordes : la tension est palpable lorsqu’on suit la lente et périlleuse descente des chariots. C'est d’ailleurs un trait d'ensemble : la joie côtoie le trépas, les moments les plus truculents côtoient les épisodes les plus durs. La mort est omniprésente, comme annoncé aux femmes lors de leur recrutement, au tout début, en guise d’avertissement. Et finalement, à l'arrivée, la vision du paradis peut enfin s'épanouir dans un festival de danses et de mariages salvateurs. Un film décidément hors des normes de son genre et de son époque.
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