J’aurais tout aussi bien pu mettre ce film dans la rubrique western, tant il en reprend les cheminements narratifs et les figures symboliques.
On a le shériff alcoolique bienveillant, que tout le monde juge trop bête pour pouvoir faire autre chose que les verbalisations. Et encore, dans une ville où il n’y a que des flics, son boulot se réduit à peau de chagrin. Stallone est merveilleux dans ce rôle loin de son image habituelle, embonpoint et démarche pataude à l’appui, il montre une facette de lui qu’on ne connaissait pas. Il est la figure de l’homme seul, ou presque, qui se dresse contre l’indignité de la majorité.
Il y a son acolyte (dans les westerns, c’est le truand au grand cœur, alcoolique, mais en qui il sait qu’il peut avoir confiance malgré tous ses travers), cocaïnomane, ne voulant qu’une chose : partir de la ville après avoir encaissé le pognon des assurances suite à l’incendie de la maison. Ray Liotta amène une vraie violence au personnage, qui cache malgré tout un sens de l’honneur qui est sa rédemption.
Et il y a celui qui tient la ville. Ici, Harvey Keitel est parfait en salopard intégral, ne voulant que garder la main mise sur ce qu’il a créé, ce havre de paix illusoire.
Observateur extérieur à tout ça, il y a un De Niro parfait en flic intègre de la police des polices, ne cherchant qu’à faire remonter toute la crasse à la surface.
Très clairement orienté vers les polars 70’s au niveau de l’ambiance, avec son rythme faussement lent et ses galeries de personnages avec des vraies gueules, ce film de James Mangold se laisse suivre tranquillement, ne cherchant jamais le sensationnalisme là où d’autres s’y seraient vautrés.
La touche d’humanité de Sly est un vrai plaisir, et son attachement à la femme à laquelle il a sauvé la vie, mais qui lui a préféré un mari flic violent et absent, est un pur moment de cinéma. Quand il comprend qu’elle ne l’aime pas autant que lui peut l’aimer, on a mal au cœur pour lui.
Une des vraies pépites méconnues du polar ricain des vingt dernières années.