Film dénonçant les méthodes de management "modernes" et les formes insidieuses de harcèlement au travail, "Corporate" est le type de projet qui part forcément avec un a priori positif - le genre de film "d'utilité publique".
D'autant que le réalisateur Nicolas Silhol semble trouver le ton juste pour aborder ces questions, sans en faire des caisses et avec une certaine froideur/distance qui sied au monde policé des grandes entreprises.
Pendant une bonne heure, le film navigue habilement entre drame et thriller, évitant les fautes de goût, le pathos et le manichéisme, en suivant les pas d'une DRH plutôt antipathique (incarnée par une Céline Sallette convaincante), appliquant les consignes sans enthousiasme mais avec un état d'esprit corporate irréprochable.
Le film a alors le grand mérite d'illustrer efficacement ces situations de mises au placard aussi cruelles qu'hypocrites, et les conséquences qui en découlent sur les salariés concernés (on pense très fort à la vague de suicides chez France Télécom).
Hélas, plus "Corporate" avance, plus ses limites apparaissent au grand jour, de sorte qu'on finit par penser à un téléfilm du service public - avec en point d'orgue ce dénouement balourd reposant sur un ressort dramatique éculé.
Silhol semble soudain absoudre complètement son héroïne au prétexte qu'elle prend conscience de ses erreurs (avec une "révélation" de dernière minute allant dans ce sens), cette dernière rejoignant alors le camp des "gentils", aux côtés de l'inspectrice du travail un peu rock'n'roll, dans un élan de féminisme un brin grotesque (cf la scène improbable sur le chantier).
On réalise en outre que l'analyse des méthodes de management mises en cause s'avère très rudimentaire (avec le "simple" mécanisme décrit dans le film, la direction espérait "démissionner" 10% de ses effectifs, soit 90 000 personnes?!?), le réalisateur préférant s'intéresser à des questions secondaires (la vie privée de l'héroïne, l'aspect thriller...) plutôt que d'approfondir le thème central.
Bref, "Corporate" joue clairement la carte du grand public, par rapport à d'autres films plus exigeants sur cette thématique (ceux de Jean-Marc Moutout notamment).
Un pari plutôt perdant, si l'on en juge par ses résultats au box-office...