Voilà un polar pour le moins audacieux, signé du français Nicolas Boukhrief, dont j'avais beaucoup apprécié le précédent film ("Le convoyeur").
Ici Boukhrief s'essaie au huis-clos oppressant et mystérieux, puisqu'on suit dans "Cortex" les premiers pas d'un malade d'Alzheimer dans la maison de repos où cet ancien policer vient d'être placé.
Forcément, lorsque les premiers soupçons se font jour, à la suite de la mort soudaine de plusieurs patients, on a du mal à prendre au sérieux un type qui perd la mémoire et qui pourrait bien dans le même temps devenir paranoïaque, et/ou chercher à retrouver le goût de ses années de service.
La force de "Cortex" réside dans ce doute insidieux qui se dessine, entre les membres du staff médical et administratif logiquement circonspects, le fils du malade qui s'efforce de rassurer son père anxieux, et le public qui se demande quel serait le mobile du tueur, s'il existe réellement.
On ressent de l'empathie pour André Dussollier, vraiment formidable dans ce personnage déboussolé, on souffre avec lui dans cet univers hostile et on se pose les mêmes questions, au fur et à mesure que sa petite enquête progresse.
Hélas, la résolution est comme souvent plus décevante que le mystère lui-même, même si j'ai trouvé le suspense bien mené et la conclusion finalement logique.
Au-delà du récit policier, qui souffre un peu du rythme très lent imposé par le contexte, et de certaines invraisemblances, on apprécie l'aspect documentaire sur la maladie Alzheimer et sur la vie quotidienne des patients concernés. On sent que des recherches sérieuses ont été effectuées sur le sujet, et les comédiens bien dirigés offrent des prestations convaincantes (Marthe Keller, Aurore Clément, Julien Boisselier), notamment au niveau du personnel soignant (Chantal Neuwirth, Claire Nebout, Claude Perron et plus encore Pascal Elbé, excellent en psychiatre).
Etonnamment de la part d'un technicien de bon niveau tel que Boukhrief, c'est du côté de la forme, avec une réalisation un peu téléfilmesque (manque de moyens? souci de sobriété extrême?), que le film déçoit quelque peu.
On lui pardonnera aisément, car "Cortex" propose vraiment une expérience de cinéma étrange et atypique, portée par un scénario astucieux et une interprétation de premier pan.