A la recherche du passé perdu.
Lors de la division de la Corée en deux pays, certaines femmes ont abandonné leur(s) enfant(s) car soit elles ne pouvaient plus s'en occuper, soit il a été conçu hors mariage, et qui plus est avec un soldat étranger.
C'est dans ce contexte qu'est né Jung, abandonné dans un orphelinat et qu'une famille belge va adopter, ce qui va bouleverser sa vie et va vouloir savoir à tout prix qui il est réellement...
Sur un postulat de base très proche de Valse avec Bachir et Persépolis, Jung (assisté de Laurent Boileau pour ce qui est du côté technique) revient sur son passé, sur son enfance, et le fait d'avoir été un déraciné, lui qui se considère comme le seul "jaune" dans une famille totalement différente, et qui accueillera plus tard une autre jeune Coréenne, Valérie, qui sera celle avec qui il va lier des liens forts, car il se sent davantage de connivences avec elles qu'avec ses frères et sœurs d'adoptions, sauf la plus grande pour qui ses sentiments restent très ambigus.
Le procédé utilisé ici est très original car à la manière de Bachir, les souvenirs de Jung sont en animation (Flash), avec quelques vidéos d'archives montrant lui et sa famille en train de s'amuser.
Puis, on a de fréquents va-et-vient avec Jung, de nos jours et filmé en prises de vues réelles, qui se trouve en Corée pour se remémorer ses souvenirs au détour d'un objet, d'un car, mais en fait, il veut revenir à son orphelinat d'enfance pour voir ses papiers, et découvrir qui il est réellement...
Dans son enfance, Jung est à la fois un garçon perturbé (on le saura pourquoi au fil de l'histoire, notamment avec des cauchemars), très indiscipliné (il va jusqu'à falsifier ses notes de classe, s'oppose à ses parents...) et rêveur (à la fois grâce à ses talents de dessin qui commencent à émerger et à son amour de tout ce qui touche au Japon, aussi bien Goldorak que Kurosawa), mais le fait d'être, il le dit lui-même, un jaune parmi les blancs le marquera profondément, ce qui le mènera très loin dans sa quête de la vérité, moment qui culminera par une confession de sa mère, qui remettra en cause ce dont il doutait que sa mère éprouvait : de l'amour maternel.
C'est un film très touchant, vraiment émouvant, et on sent que d'un sujet très personnel, Jung tire vers l'universel. Si il faut un peu de temps pour s'habituer à l'animation et aux dessins, le doublage est ce que j'ai entendu de plus fort depuis longtemps, avec des voix particulièrement bien choisies, voire avec de vrais Coréens pour les scènes avec les déracinés belges, dont des voix féminines craquantes.
Si j'applaudis des deux mains ce doublage, j'émets une réserve sur la voix de Jung adulte. Je ne sais pas si il parle encore français, mais là, on l'entend doublé par William Coryn (voix française de Jackie Chan, ou celle de Kyle dans South Park), et je ne sais pas si c'est un choix du dessinateur de ne pas s'impliquer encore plus par le biais de sa voix, mais on aurait pu entendre son émotion certainement tangible, car les scènes où on le voit le montrent comme un homme particulièrement mélancolique.
Ensuite, il est dommage qu'une histoire si bouleversante soit si courte ; à peine 1h10, mais ça s'explique sûrement pour proposer le film à un public pour enfants (ce dont à qui il est destiné) et le budget certainement très limité (auquel il faut saluer le nombre impressionnant de sociétés ayant mis la main à la poche) excusent cela.
Je suis allé le voir un peu par hasard, j'en suis ressorti très ému, car Jung touche à notre universalité, et il fait ici le choix d'aimer des gens différents, quitte à avoir vécu des moments très difficiles pour lui.
C'est vraiment une pure splendeur qui nous prouve une fois de plus que l'animation française n'a pas à rougir face à ses confères américains et japonais.
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