Coup de Torchon nettoie tout sur son passage, et en particulier les bons sentiments...
L'inénarrable Philippe Noiret (Lucien Cordier) donne la réplique à une pléiade d'acteurs aux seconds rôles - pour la plupart colons détenteur du racisme ordinaire - dégénérant sous le soleil centre-africain comme s'abreuvant de leur propre inhumanité... Et quelles répliques !
Des répliques balancées par le flic au polo rose d'une lâcheté collector mais peut-être au final plus courageux que ses contemporains, plus jusqu'au-boutiste en tout cas. Il faut dire que Cordier n'avait jusque-là jamais su dire non, pas même à sa femme (Stéphane Audran) le trompant avec Nono (Eddy Mitchell) qu'elle fait passer pour son petit frère sous son propre toit ! ^^
La réponse de Cordier à chacun des cas de conscience qu'on lui soumet : "Je dis pas que vous avez tort, mais je dis pas que vous avez raison non plus !" lui permet de ne jamais se mouiller ni se froisser avec ceux qui en profitent bien pour l'humilier... A l'image de son : "J'ai réfléchi, j'ai réfléchi, et puis j'ai pris une décision, c'est que je sais pas quoi faire..."
Mais Cordier l'insomniaque fataliste finit par se rebeller : manipulant ou se débarrassant de ses anciens moqueurs (dont l'impayable Guy Marchand), s'alliant à d'autres (Isabelle Huppert), et abusant de son image pusillanime (on n'utilise jamais assez ce mot rigolo) pour réaliser ses plans de vengeance avec précision. La vengeance d'un grand enfant qui aurait tué sa mère en couche et aurait subi les accusations physiques de son père. Mais doit-on croire celui capable de tout justifier ?
Le discours qu'il fera au "nègre" (pas le fameux Fetnat né un 14 juillet^^) qui aurait trop léché le cul des blancs et qui mériterait donc que ça lui retombe dessus relève du génie, à l'image de ses échanges avec le frère de Le Perron (Jean-Pierre Marielle). Tout ça pour finalement tirer à boulets rouges sur son propre boulot de flic, boulot de lâches devant réprimer les faibles et les pauvres alors qu'ils devraient les protéger des riches. Bertrand Tavernier ne pouvant bien évidemment pas s'empêcher de glisser son petit message politique...
Tantôt burlesque, tantôt tragique, on passe donc de l'amusement à la sidération devant ce spectacle cynique à la morale désespérée, mais tellement convaincante...
La réalisation se révèle comme d'habitude de qualité, mais cette fois-ci Bertrand Tavernier a trouvé le bon scénario, les bons personnages, et surtout les bons dialogues pour hisser son film au rang de petit chef-d'oeuvre du cinéma français. Un petit concentré de philosophie hobbesienne des plus corrosifs, faisant partie (AMHA) du trio des plus grands, mais surtout des plus jouissifs, films hexagonaux.
Maintenant je m'éclipse ! ;)