Quand on aime Jim Thompson, quand on vénère son chef d'œuvre, "1275 âmes", on ne peut qu'être tragiquement déçu par l'adaptation par Tavernier de ce polar monumental. Il faut donc aller revoir ce film tellement français une seconde et une troisième fois, se débarrasser de ses préjugés, pour commencer à apprécier le travail effectué par Tavernier et son équipe. "Franciser" le film en le transposant dans l'Afrique coloniale et ses vices est un coup de maître, car c'est probablement la seule manière d'éviter l'artificialité d'une vision française de l'Amérique profonde, tout en préservant le sujet du livre. Malheureusement, cela ne suffit pas pour faire un grand film, et s'il y a un problème fondamental qui empêche "Coup de Torchon" d'être autre chose qu'un très sympathique divertissement, c'est le choix discutable qui a été fait de jouer en permanence la carte de la comédie de mœurs, et de laisser les acteurs, Noiret et Huppert en tête, cabotiner à l'envi. La noirceur tragique passe donc à la trappe, et ça, c'est vraiment dommage !
[Critique écrite en 1981, 1987 et 1991. Remise en forme en 2018]