Disparu des écrans de cinéma en tant que réalisateur depuis Horns en 2014, Alexandre Aja nous manquait. Et même s’il nous avait donné quelques nouvelles avec sa 9ème vie de Louis Drax (2016) distribué en vidéo, il manquait particulièrement au monde sinistré de la série B horrifique contemporaine dont il fut le wonderboy incontesté dans les années 2000. C’est donc en ce 24 juillet qu’il signe un retour à la maison plus que satisfaisant avec Crawl, produit par Sam Raimi, merveille de survival mâtiné de monstruosités dont nous vous proposons une critique caniculaire.
En Australie, un parc consacré aux crocodiles propose une drôle d’attraction. Le visiteur se pose dans un box au milieu d’une eau où nagent des crocodiles. Cette attraction, « La Cage de la mort », c’est en quelque sorte celle qu’Alexandre Aja vous invite à tester collectivement avec Crawl : dans le doux cocon de la salle climatisée des chaudes journées d’été, vous y nagerez pendant 1h30 parmi les alligators, au cœur d’une terrifiante tempête. Notre master of horror national n’a jamais caché son goût pour les grandes expériences immersives, les tours de train fantôme cinématographiques où, pendant un temps donné, les spectateurs trépignent ensemble devant un écran de cinéma. Le voir revenir vers ce genre-là avec une telle vigueur et une telle santé est probablement la meilleure nouvelle de notre été cinéphile.
L’intrigue est simple : alors qu’un violent ouragan va bientôt s’abattre sur sa ville natale de Floride, Hayley – formidable et intense Kaya Scodelario – ignore les ordres d’évacuation pour aller chercher son père qui ne donne plus signe de vie. Elle le retrouvera grièvement blessé dans le sous-sol de sa maison, tout proche de l’inondation, et avec de vilaines bêtes rôdant aux alentours, des alligators. De la part de l’auteur du génial Piranhas 3D (2010), on pouvait s’attendre à un joyeux festin gore faisant se noyer l’Amérique consumériste dans ses turpitudes. Si ce plaisir du massacre se retrouve dans des exécutions particulièrement cruelles et jouissives de personnages secondaires, il semblerait qu’au contraire, Aja renoue ici avec la veine de ses premières amours : la peur viscérale et crue en mode Haute Tension (2003) ou La Colline a des yeux (2006). On voit déjà fleurir des reproches quant à ce choix. Pour ne pas le citer, l’inénarrable Jacky Goldberg des Inrocks reproche au cinéaste français de ne pas user de son sujet et de son décor pour aborder le genre de manière directement politique, en attaquant par la peur et le sang le désastre écologique causé par la gestion de l’administration américaine. Au-delà du prosélytisme exprimé par ce genre d’avis pressés et visiblement peu réfléchis, il convient de rejeter cette idée que le genre ne pourrait être politique que didactiquement, explicitement. Le cinéma de genre s’exprime aussi par des émotions, des images fortes et traumatiques et par là interpelle aussi notre conscience politique. Il ne suffit pas à la manière de certains cinéastes américains très en vogue – Jordan Peele, pour ne retenir que le plus emblématique d’entre eux – d’empiler les références politiques en aboutissant à un pot-pourri informe et sans fond d’engagements opportunistes pour s’adresser au contemporain.
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