Ozu a ce don rare de capturer la vie avec une justesse et une émotion profondément touchantes. Crépuscule de Tokyo est sans doute l’un de ses films les plus durs, un de ceux où son génie se fait plus silencieux, mais bouleversant, un film où l’espoir semble s’être éteint.
On y retrouve sa mise en scène épurée, ses cadres d’une précision implacable, mais cette fois tout respire le froid, l’éloignement, l’incompréhension. Ce n’est plus le temps des adieux doux-amers ou des générations qui se transmettent les uns aux autres, ici, les êtres se croisent, mais ne se retrouvent pas.
Il y a quelque chose de profondément déchirant dans la manière dont Ozu filme ses personnages. Pas de grands éclats, pas de drame appuyé, juste des visages fatigués, des mots retenus, des silences qui en disent trop. Akiko erre dans un Tokyo qui ne lui offre aucun refuge, sa douleur est là, visible, et pourtant personne ne semble pouvoir l’atteindre. Son père, distant, maladroit, incarne cette figure de l’incompréhension totale. Et quand la mère refait surface, c’est sans éclat, sans résolution, juste une nouvelle blessure à encaisser.
C’est un film qui glace, qui serre le cœur, car Ozu ne cherche jamais à nous prendre par la main. Il laisse simplement ses personnages s’éloigner, sans bruit, presque malgré eux. Et c’est justement cette retenue qui rend le film si poignant. Crépuscule de Tokyo dresse un portrait sombre mais authentique de la famille japonaise en mutation. Un film tout simplement magnifique comme souvent chez Ozu !