Prim Son Creak
Le titre en anagramme ça peut faire « fils guindé grincement ». Je me suis creusé la tête, t'as vu. Rarement j'ai vu dans un film des scènes de sexe risibles à ce point. On n'y ressent...
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le 18 oct. 2015
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Amoureux des monstres, Guillermo del Toro a pris pour habitude, sinon de se placer de leur côté (Hellboy et sa suite), au moins de toujours les magnifier. Le cinéaste n'est jamais meilleur que lorsqu'il place dans un même récit un monstre au sens propre et un autre, à visage humain. C'est ainsi qu'il transformait Sergi López en mémorable brute fasciste dans Le Labyrinthe de Pan, l'aura du personnage n'ayant rien à envier au Pale Man, cette créature pensée et conçue comme un être obèse qui aurait radicalement maigri en peu de temps, bête rachitique dégoulinante de peau tout en replis et dont les paumes sont aussi les orifices oculaires. Ces renvois, ces oppositions sont une habitude chez le Mexicain, parfois même au sein du même personnage ; Hellboy en l'occurrence, dont quelques plans nous révélaient son apparence ténébreuse s'il acceptait pleinement sa condition démoniaque.
Au sein d'une filmographie alternant les points de vue masculins et féminins, Crimson Peak trouve logiquement sa place auprès du Labyrinthe de Pan, ses héroïnes partageant une même sensibilité envers la surface du monde tangible. Si la petite Ofelia était témoin d'une beauté "réservée à ceux qui savent la voir", bêtes amicales et cauchemardesques s'y côtoyant en permanence, l'héroïne de Crimson Peak (sublime Mia Wasikowska) n'a de cet autre monde que des aperçus horrifiques, le fantôme bienveillant d'une mère partie trop tôt ne suscitant pas moins d'effroi que ceux qui semblent habiter la gigantesque bâtisse où la jeune-femme a élu domicile avec son compagnon. A vrai dire, le metteur en scène récupère jusqu'au principe narratif du Labyrinthe... dans son nouveau film, soit une épanadiplose narrative (mot alambiqué pour désigner un récit débutant par la fin pour se dérouler en flash-back) où le visage abîmé de l'héroïne sert de point de départ.
En revanche, point de voix-off masculine extérieure au récit cette fois, celle de Mia Wasikowska accompagnant le public pour ouvrir et refermer ce somptueux livre d'images. La jeune femme y parlant de l'existence des fantômes, de leur attachement à un lieu, impossible de ne pas penser à la voix-off du personnage secondaire qui débutait et concluait L'Échine du diable voilà treize ans, à ceci près que ledit personnage n'apparaissait pas dès les premières minutes de projection. De même, le dernier spectre à faire son apparition dans Crimson Peak emprunte son design à celui qui hantait le pensionnat de L'Échine du diable, jusque dans ce filet de sang qui s'écoule à l'infini. Cette liste de renvois un peu laborieuse sert avant tout à démontrer que del Toro apporte régulièrement de subtiles variations sur les thèmes qui lui sont chers, quitte à ce que son dernier film ressemble à un best of sincère mais très convenu de ses travaux antérieurs.
A vrai dire, l'ombre du Labyrinthe de Pan et de L'Échine du Diable se fait sentir jusque dans les blessures infligées à quelques personnages, certaines fonctionnant comme un écho à des souffrances à la fois passées (dans la filmographie du réalisateur) et futures (selon la chronologie interne des oeuvres). Jamais ennuyeux, Crimson Peak possède assez d'arguments pour ravir tout amateur de fantastique premier degré, del Toro embrassant ses décors et costumes avec une passion évidente. Et si Jack Kirby l'avait inspiré pour Hellboy, Crimson Peak est irrigué par la splendeur des travaux d'Arthur Rackham. Contemporain du siècle où se déroule le long-métrage, l'illustrateur britannique trouve ici le plus beau des hommages, l'oeuvre marquant d'ailleurs bien plus de points quand elle illustre son histoire que lorsqu'elle en dévoile les mystères, la faute à un script assez fade dans ses coups de théâtre.
Il faut donc savoir prendre son plaisir là où il est avec Crimson Peak, le script servant de support aux envies picturales d'un metteur en scène qui embellit jusqu'à ses plus grosses erreurs. Pour une révélation sans saveur, une chute mortelle aux conséquences confortables (pour rester poli) ou encore une punchline finale assez ridicule (car annihilant la tension voulue par le climax), del Toro compense par des passages de toute beauté. Il faut voir la puissance avec laquelle, au détour d'un couloir, il repense une scène célèbre des Innocents, ressorti dans les salles cet été. Le noir et blanc du classique de Jack Clayton disparaissant au profit d'un éventail colorimétrique étourdissant, le Mexicain en profite pour citer l'errance de Deborah Kerr dans les couloirs de la demeure victorienne, le chandelier de l'héroïne y cédant la place à celui de Mia Wasikowska pendant qu'un monstre au design sublime surgit du plancher puis se traîne au sol, la souffrance de la créature évoquant le calvaire subi par les monstres de Silent Hill (le jeu comme le film).
De quoi regretter que la participation du cinéaste au futur jeu Silent Hills ne soit plus à l'ordre du jour, cette faculté à mêler deux références en une composition cohérente faisant de Crimson Peak un objet plus précieux que défaillant malgré la déception ressentie face à une intrigue de whodunit dont la perversité tombe complètement à plat. A croire que del Toro nécessite un contexte fort (le franquisme) ou, a contrario, une totale absence de barrières, pour que fond et forme atteignent les objectifs fixés ; voir l'énervé Blade II, où des plans tout droit sortis de l'anime Ninja Scroll composaient avec les contraintes d'un tournage live. Inégal et attachant, hanté par l'image persistante d'insectes mourants, Crimson Peak est une déception partielle et quasiment autophage à force de se nourrir des acquis passés du réalisateur, le passage de la baignoire reprenant, là encore, l'architecture visuelle du Labyrinthe de Pan.
Paradoxalement, c'est aussi cette croyance en un certain cinéma fantastique, fait de figures visuelles à réinventer, qui permet au film de procurer un plaisir si constant et fragile à la fois, rehaussé à l'occasion par le duo Tom Hiddleston/Jessica Chastain. Reste à voir si le plaisir perdurera lors des visions suivantes ou si, faute d'enjeux plus solides, ce film-là force à se contenter de ses belles intentions.
Si le coeur vous en dit, j'ai enregistré un podcast consacré à la carrière de Guillermo del Toro à l'occasion de la sortie de La Forme de l'eau.
SoundCloud : https://goo.gl/958ccU
MixCloud : https://goo.gl/JGVhgB
iTunes : https://goo.gl/bftZpU
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs films des années 2010
Créée
le 15 oct. 2015
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9 commentaires
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