"Pas une histoire de fantômes, une histoire avec des fantômes"

Guillermo del Toro, spécialiste du cinéma fantastique, nous présente ici un autre conte noir : Crimson Peak. Il s'agit d'un drame paranormal et horrifique qui par conséquent est dans la lignée de L’Échine du diable.


Attention cette critique comporte des spoilers...


Crimson Peak est un véritable film gothique, cela s'exprime de deux manières. Pour la première, il s'agit de la direction artistique : cette dernière est en effet magnifique, c'est même très étonnant que les décorateurs n'aient pas été nominés aux Oscars. Le manoirs est sombre et sublime même temps, il a une âme, on croirait dans la maison de vacance de Dracula ! De plus, la luminosité et les couleurs sont très bien utilisés. Cette direction artistique s'accompagne d'effets spéciaux simples mais assez bons (on regrettera seulement le fait que les fantômes soient un peu trop similaires à ceux de L’Échine du diable) et de très beaux costumes correspondant à l'époque dans laquelle se situe le film. Des costumes qui vont très bien à ce magnifique casting ! Mia Wasikowska montre qu'elle a fait beaucoup de progrès depuis Alice au pays des merveilles, Tom Hiddleston rend sans doute son personnage encore plus mystérieux / ténébreux qu'il n'est écrit, la belle Jessica Chastain nous livre une prestation des plus glaçante et Charlie Hunnam est bon lui aussi.


La seconde manière dont s'exprime le gothique dans Crimson Peak, c'est par l'histoire que le film nous conte. Il s'inspire en effet de la littérature britannique du genre L'Abbaye de Northanger de Jane Austen pour nous livrer une oeuvre gothique avec des thèmes très traditionnels où les fantômes n'ont qu'un rôle accessoire : une histoire d'amour, un homme ténébreux, le désir, un lieu mystérieux, une union sanglante, des femmes victimes, la mort, l'obsession, des lettres, des secrets ect... bref, avant tout un mélange de romance et de macabre. Ce n'est pas une histoire de fantômes mais une histoire avec des fantômes ! Mais le problème c'est que justement, cette histoire ne raconte pas grand chose. J'avais tant espéré qu'il y ai un twist mais non, nous comprenons très vite l'intrigue ! Ainsi l'ambiance perd tout son suspens et on s'ennui parfois un petit peu devant Crimson Peak tellement le film devient prévisible. De plus, tout s'enchaîne selon un plan chronologique sans aucune originalité. C'est dommage que le scénario soit aussi banal car la mise en scène de Guillermo del Toro est comme d'habitude magnifique, on voit qu'il à bossé, s'est renseigné sur le genre... ça vient tout gâcher, c'est tellement dommage ! Il ne va pas au bout de son imagination en fait, et personne de nier que de l'imagination il n'en manque pas après Le Labyrinthe de Pan. Le seul apport de Guillermo del Toro, c'est la relation incestueuse qui était quelque chose d'assez osé étant qu'aux Etats-Unis, la moindre allusion sexuelle débouche sur une classification R.


Dans l'épouvante gothique, généralement l'horreur n'est trop poussé. Mais je pense que Guillermo del Toro aurait quand même dû poussé d’avantage le côté horrifique de son film pour compenser l'absence d'innovation, d'imagination ou encore d'originalité dans le scénario qui est digne de ce que ce l'on voit le dimanche après-midi à la télévision (ou pire, si en enlève les fantômes et qu'on change l'époque, ça pourrait être un épisode d'une fiction scénarisée type Le Jour où tout a basculé, je vois bien un titre du genre "empoisonné par ma belle sœur qui entretient une relation incestueuse avec mon époux adultère"). Certaines scènes horrifiques sont assez efficaces car le réalisateur n'a jamais eu peur de montrer la violence ; mais pour que le film fasse peur, del Toro aurait pu ajouter à l'horreur graphique, de l'horreur psychologique à la lumière littérature moderne américaine.


Pour ce qui est de la bande originale composée par Fernando Velázquez, elle n'est pas mauvaise mais j'aurais espéré entendre quelque chose s'insérant encore plus dans le thème, quelque chose qui ressemble par exemple à ce que Danny Elfman fait dans les films de Tim Burton. Seule la dernière musique et celle de la scène de la valse m'ont vraiment transporté mais encore une fois, la composition reste pas mal.


Il y une chose que j'ai bien aimé, c'est la façon dont s'inscrit le film dans l'ensemble du travail de del Toro. A l'heure où les films d'épouvante-horreur sont très souvent tournés vers le paranormal et nous présentent les esprits comme hostiles, Crimson Peak choisi une tout autre approche à travers laquelle le réalisateur, une fois de plus désigne les humains comme les véritables êtres hostiles. Après tout, être un fantôme, c'est une continuité par rapport à l'humain qu'on était, il y en a donc de bons et de moins bons.


Crimson Peak a une belle enveloppe au sens où ses décors sont sublimes, malheureusement le contenu de cette enveloppe est presque vide au sens où le scénario ne nous apporte rien d’exceptionnel hormis d'être très bien inspiré par la littérature gothique. Crimson Peak est à la fois un bel hommage et un pétard mouillé. Peut être qu'une fois que j'aurais accepté la déception, la note grimpera.

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le 20 févr. 2019

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