J'adore Aardman. Les géniaux géniteurs des géniaux Wallace et Gromit et du génial Chicken Run, ainsi que d'autres choses tout aussi géniales (oui ça fait beaucoup de "génial" je sais, c'est fait exprès). Le studio parmi les grands patrons de l'animation en stop-motion et de l'humour so british, qui sait surprendre constamment encore aujourd'hui, que ce soit en passant par la comédie dénuée de dialogues façon Shaun le mouton ou par le délire absurde avec des pirates, comme Les Pirates ! Bons à rien, mauvais en tout. Un parcours sans faux pas donc, si l'on oublie le désastreux Souris City.
Pour leur nouveau bébé, cette fois-ci, direction la préhistoire. Comme on s'en doute, il n'est pas juste question de suivre le quotidien normal des hommes des cavernes face aux dinosaures et autres bestioles de l'époque. Les studios Aardman, eux, ils te disent que les hommes des cavernes font face à l'arrivée de l'âge de bronze et que ceux-ci s'affrontent au cours d'un match de football, celui-ci étant un sport ancestral qui a finit par trouver ses marques et est même un "don du ciel" (littéralement), pour savoir qui récupérera les terres.
En regardant le film, on se rend compte qu'on a affaire surtout à une petite comédie sans prétention, pas de gros message à passer en soi (sinon éventuellement les dérives du sport, allez savoir). Et passé la première demi-heure, le film se transforme même en comédie sportive avec la préhistoire comme toile de fond, créant un décalage fort sympathique, mais force est de reconnaître que ça donne un scénario plutôt prévisible.
Vous voyez les comédies sportives style Space Jam ou Rasta Rockett ? Vous voyez le dessin animé Olive et Tom ? Vous connaissez donc très probablement les bons gros clichés inhérents au genre du sport dans le domaine. L'équipe des nuls qui se retrouve d'une manière ou d'une autre confrontée à une équipe de balèzes avec un certain enjeu à la clé, mais qui à force de détermination, d'amitié et de coups de mains extérieurs, parviendra à se démarquer pour atteindre la victoire tant espérée. Cro Man suit le même schéma, du coup, voir le script passer par tant de clichés et de situations prévisibles aura de quoi mettre sur la touche (ahaha), l'histoire semble être surtout orientée vers les enfants même si des choses parleront plus aux adultes.
La vraie force de ce Aardman tient comme la plupart des autres dans son inventivité dans le visuel, les gags et le décalage créé donc avec une période de l'histoire qui se retrouve bardée d'anachronismes modernes (comme avec Les Pirates ! en somme). Sur le plan visuel, on en a pour son argent, celui-ci étant remarquablement travaillé, avec un boulot titanesque pour certains décors notamment les "moches terres" rocheuses et volcaniques, ainsi que tout le territoire de bronze, le tout avec fluidité, avec un certain sens du détail et avec toujours ce charme irremplaçable de la stop-motion et de la pâte à modeler.
L'humour du studio faire également toujours aussi mouche, on retrouve plusieurs gimmicks qui leur sont propres, leur façon irrévérencieuse d'aborder les situations (le monde du football ayant déjà été abordé avec Souris City), et l'ensemble enchaîne les gags à tendance slapstick comme les répliques bien senties, ainsi que les blagues plus adultes sans toutefois négliger les enfants, chacun peut y trouver son compte comme avec chacun des précédents films des papas de Wallace et Gromit. Le décalage comique dû au contexte fonctionne lui-aussi tout aussi bien, les anachronismes défilant joyeusement en même temps que les idées préhistoriques émanant des cerveaux de l'équipe.
Et donc, même s'il est légitime de pester contre le manque de surprises du scénario au-delà de l'originalité de mêler préhistoire, bronze et football, bien qu'il soit amusant de voir la réinterprétation faite par Aardman des clichés propres à la comédie sportive, Cro Man, sans être parmi ce que le studio a fait de mieux, est une savoureuse comédie, résolument so british et délicieusement loufoque, qui se paye en plus pour final le match de football le plus épique de l'histoire (ou de la préhistoire tout du moins). De quoi passer un très bon moment, tout en se rappelant une chose : l'animation en pâte à modeler est encore loin d'avoir dit son dernier mot.
PS : Titre de critique issu d'une réplique du film, histoire de rendre à César ce qui est à César.