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À l'origine, le script concocté par Danny Bilson et Paul De Meo était un projet estampillé Oliver Stone. Quoi de plus naturel, le cinéaste et vétéran des forces armées a livré de nombreux classiques sur la guerre du Vietnam (Platoon ou Né un 4 Juillet, Entre ciel et terre). C'est peut-être aussi la raison de son départ, ses trois précédentes incursions ayant globalement tout dit sur le sujet.
Récupéré au rebond par Spike Lee, The Last Tour (son titre initial) a progressivement muté sous l'impulsion d'un cinéaste aux obsessions identitaires bien marquées. Changer la couleur de peau de ces 4 ex-marines retournés au Vietnam pour récupérer et ramener la dépouille de leur chef au pays n'a rien de l'artifice. Ce changement est même fondamental dans ce que Da 5 Bloods essaie de raconter. Toujours enclin à mêler la petite à la grande Histoire (nombreuses références au figures afro-américaines ou aux évènements ayant balisé les 50 dernières années), le cinéaste connecte la triste réalité des vétérans noirs d'hier avec celle de l'Amérique d'aujourd'hui. Un bilan déplorable, où les traumas la partagent à l'amertume, menaçant ses victimes de sombrer dans un repli sur soi destructeur. Il n'est pas anodin que Spike Lee fasse du plus esquinté de la bande (Delroy Lindo, exceptionnel) la colonne vertébrale de son intrigue, lui donnant même les honneurs de ces apartés face caméra. D'une complexité passionnante, le personnage de Paul synthétise les conséquences d'un conflit absurde déclenché à l'étranger (une guerre civile où les américains et français n'avaient pas leur place) de même que la colère sourde d'une partie de la population malmenée par l'injustice dans son propre pays.
Si le script présente suffisamment de densité dans les thématiques qu'il charrie, Da 5 Bloods se casse les dents pour les traiter avec efficacité. Les différentes parties ne s'imbriquent pas correctement du fait d'un découpage incompréhensible et d'une longueur injustifiée (2h30 quand même). Le metteur en scène tente bien quelques procédés intéressants, notamment dans les formats d'image qu'il s'ingénie à alterner, mais la finalité demeure imprécise. Combien d'arcs se révèlent finalement très secondaires, pour pas dire inintéressants (David, les démineurs,...), participant à une impression de remplissage bien inutile. L'hommage aux soldats afro-américains, et de manière générale à la population noire aux U.S.A, est sincère. Mais en laissant l'histoire partir dans un peu tous les sens, Spike Lee prend le risque du décrochage. Une bonne demi-heure de moins avec un nœud d'intrigue plus resserré autour de ces 4 personnages principaux, et leurs rapports parfois contradictoires au regard de leur condition de vie aux U.S.A, aurait été salutaire. Il y avait largement matière à en faire un brulot beaucoup plus incisif sur les illusions d'une Amérique loin d'être en paix avec elle-même. Tel quel, Da 5 Bloods a tout du brouillon de ce qu'il aurait pu être, un grand film.

ConFuCkamuS
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le 12 juin 2020

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21 j'aime

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