Le trajet en taxi le plus long de notre vie (mais ça, c'est parce qu'on a la parlotte facile : on est toujours déçu d'arriver), qui mise beaucoup sur le pari osé de faire un huis-clos dont les prises de vues reviennent souvent (la tête de Dakota cadrée par la fenêtre intérieure, une lucarne sur la vie de l'autre, sur ce qui peut se jouer sur la banquette arrière et sur quoi le conducteur ne peut influer qu'avec ses mots), et sur le jeu assez balourd de Sean Penn et Dakota Johnson (ils en font des caisses, mais au moins on comprend les messages). Pourtant, on est dans le public-cible pour ce genre de films qui se base sur la rencontre de deux personnages qui se font mutuellement grandir, pourtant on adore l'audace de la réalisatrice avec ce film "uniquement en taxi", pourtant on est très sensible aux histoires à hauteur de femme. Mais voilà : les échanges se veulent monter crescendo dans les révélations (ils tiennent un compte des "points marqués" quand ils tapent dans le mille d'une pénible vérité sur l'autre), mais les paliers ne sont pas très hauts, surtout si l'on a capté le "dernier point" de la partie dès l'ouverture du film (les messages sont trop explicites,
trop hargneux, on est aux États-Unis donc la pilule est chère et non remboursée, on insiste trop sur les enfants...
Bref : on a grillé la raison de ce voyage à mi-film, ce qui rend cette balade en taxi vraiment très longue, le temps d'escalader les mini-révélations qui mènent péniblement jusqu'au "twist" de fin assez prévisible). Évidemment, cela n'enlève rien à la tragédie dudit dernier point, on compatit avec la jeune femme, on se sent désolé pour le conducteur qui doit gérer la détresse humaine de l'autre côté de la vitre sans aucun contact physique (l'autre grand tour de force de ce scénario : tout ne passe que par les mots), et on aime bien le final
quand les portières s'ouvrent enfin (idem, pas d'effusions cuculs, ils respectent encore cette vitre invisible qui les a séparés, et continuent de se donner des conseils pour la suite de leur vie).
Et, on ne l'a pas avoué jusque-là, mais on a adoré détester viscéralement l'homme derrière l'écran de téléphone, en à peine quelques sextos et "dickpicks" (les photos de son engin, et à voir l'effet inverse que cela produit sur la jeune femme, on a rêvé de débouler avec un sécateur). Tout n'est pas à jeter dans ce Daddio qui mise énormément sur la puissance des mots, sur son binôme d'acteurs, sur son dispositif de décor restreint, et dont l'audace nous a vraiment plu, à défaut de son histoire qu'on pensait plus intense et moins prévisible. Embarquez quand même dans ce taxi, ce n'est pas tous les jours qu'on croise un chauffeur qui ne parle pas que de circulation.