Après un premier dessin animé fébrile et maladroit Astérix le Gaulois, le succès de Astérix et Cleopâtre en 1968, décide René Goscinny à faire bénéficier Lucky Luke d'un traitement animé ; il s'associe avec Morris et tous deux réalisent ce Daisy Town produit par le studio belge Belvision, à une époque où le long métrage animé n'était absolument pas courant en France et même en Belgique, c'était donc une entreprise risquée. Goscinny opte pour un scénario original et non une adaptation d'un album existant, même s'il s'est inspiré de plusieurs situations vues dans plusieurs albums : il s'agit de la fondation d'une petite ville de l'Ouest et de son évolution.
Pour l'époque, le graphisme est joli et les décors de fond sont soignés, le film a de la fraîcheur et des idées, bien que le scénario soit assez minimaliste et qu'il y ait des gags répétitifs. On a l'impression que Goscinny a voulu inclure dans cette première adaptation de Lucky Luke, tout ce qu'on y voyait dans les albums, c'est donc une sorte de fourre-tout où l'on retrouve tous les ingrédients habituels : des Indiens, la cavalerie qui arrive à temps, le blanchisseur chinois, le croque-mort et son vautour, le saloon avec ses danseuses, une scène de quadrille (ou square dance), et les Dalton venus se mesurer au héros.
Ce festival de personnages savoureux, la musique de Claude Bolling qui donne beaucoup d'entrain, l'animation de bonne qualité tendent à donner une parodie de western assez réussie, même le duel final entre Luke et les Dalton semble parodier les westerns de Sergio Leone, avec des gros plans bien étudiés. S'ajoute à tout ceci un casting vocal bien rôdé aux voix de dessins animés, Lucky Luke a la voix bien grave de Marcel Bozzuffi, tandis que Pierre Trabaud est celle de Joe Dalton ; sans oublier Pierre Tornade, Jacques Balutin, Jacques Jouanneau ou Jacques Legras et bien évidemment l'incontournable Roger Carel.
Etrangement, malgré tous ces éléments positifs, le film n'a eu qu'un succès relatif en 1971, certes, c'était le premier, et certains petits lecteurs ont été surpris par le dessin et les voix, l'ensemble est un peu inégal par endroits, mais je me souviens l'avoir vu étant gamin à sa sortie, et ça m'avait bien emballé ; Daisy Town s'est bonifié avec le temps. Revu plus tard et devenu adulte, je me suis aperçu de certaines faiblesses, mais rien de bien important, je garde une certaine tendresse pour cet animé long, ça reste un bon premier essai francophone qui respecte l'esprit de la BD, et qui fait passer un agréable moment.