Avec un illogisme qui force le respect, je me fais les Béla Tarr-László Krasznahorkai dans le plus grand désordre... Les Harmonies pour commencer, leur premier aujourd'hui, donc, et le Tango du milieu pour la fin, mais je crois que ce n'est pas grave...

Les impressions, bonnes ou mauvaises, laissées par les Harmonies sont déjà là, mais plutôt pour le pire...

Pour commencer, reconnaissons que le film est superbement photographié, ça n'a jamais suffit à faire un film, mais c'est infiniment appréciable... On regrettera seulement un petit laisser aller dans les extérieurs-jour, vu que l'image est la seule chose à se mettre sous la dent, on devient plus exigeant et les plans moyens déçoivent d'autant...

Avec ça, des plan-séquences souvent élégants et joliment cadrés, on a ce qu'on demande, c'est bien le moins... Bon, Béla ne sait déjà pas faire les liaisons, c'est dommage, le cinéma, c'est aussi ça, suffit pas d'empiler les séquences comme un épicier les conserves, faut aussi maîtriser le montage et les transitions sonores sinon, ça agace vite...

Bah, vous me direz, ce n'est pas le souci principal ici, tellement la jolie coquille se révèle désespérément vide du moindre petit contenu à se mettre sous la dent.

Pas d'histoire, des thématiques épaisses comme des murailles médiévales, et le sentiment louvoyant que le film a été écrit par un étudiant des beaux-arts de première année... C'est quoi ce plan ridicule sur la femme qui allaite couplé à un écran de TV qui diffuse un match de foot, sérieusement ?!... et le final au chien qui me fait honte pour toute l'équipe ?... Je ne vous parle pas de la scène de coït la plus laide de l'histoire du cinéma, je reste courtois, Ado ne va pas tarder à récupérer la bête et je ne veux pas paraître belliqueux...

Souvent, sans s'assoupir hélas, l'esprit vagabonde ailleurs et je me réveille en sursaut à l'intrusion d'un des rares dialogues, désastre intellectuel et esthétique dont l'inutilité ici ne cache absolument pas l'infini ridicule.

Comme dans une mauvaise parodie de Bergman ou autres, le film accumule les scènes haïssables où un personnage vient faire son discours inepte (ou citer de la mauvaise poésie, soyons fous, osons même ce grotesque là...) devant un interlocuteur figé puis s'en repart comme si de rien n'était. L'incroyable prétention du laïus tenu n'ayant bien sûr d'égale que sa désespérante platitude.

Dans une telle situation, pas facile pour les acteurs d'exister, des silhouettes sans âme ça peut faire joli sur une photo, mais dans un film, il faudrait autre chose que des modèles morts. Vous me direz qu'il n'y a pas de personnages non plus, je veux dire des personnages de chair et d'os, pas forcément un héros, non, mais autre chose que ce demi-Judas mal étoffé à la calvitie encombrante...

Heureusement, au milieu de cet océan de vanité ennuyeuse, il y a quelques scènes musicales qui sauvent presque le film, rien d'inoubliable non plus, n'exagérons pas, mais quelques moments de grâce où la photographie, le mouvement et le son commencent à créer comme un embryon d'ambiance, un zeste d'intérêt, un semblant d'émotion, un éphémère mais inespéré soupçon de cinéma.
Torpenn
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le 7 mars 2013

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